LA PLAYLIST #3
DISCO PUNK
Bonjour à tous, et merci à vous de me lire malgré notre productivité quelque peu... disons aléatoire ces derniers mois. Mais vous savez ce que c'est, on n'a pas toujours le temps de faire ce que l'on veut.
Je reviens donc sur le blog, avec avec une série de playlists à thèmes. Le sujet de la première me vient de Jimmy Jimi de l'excellent blog Les Bruits Magiques que je vous invite à visiter d'urgence si vous êtes un mélomane (et que vous ne connaissez pas déjà.
Qu'est-ce que le Disco-Punk ?
Je suis tombé sur une phrase dans sa chronique du dernier Richard Hawley (encore un disque absolument divin, le bonhomme est un tueur) "Combien d'albums de disco punk (rien que d’accoler ces deux mots me fait mal) avons-nous du subir ces dernières années ?"
Question qui m'a turlupiné, moi qui apprécie certains artistes régulièrement qualifiés de disco-punk.... Mais qui reconnais qu'on a subi un certain nombre de bouses assez mémorables (ou pas justement), classées aussi sous ce terme fourre-tout. Et qui ne regroupe pas que des trucs aussi caricaturaux que mon petit dessin d'illustration !
La première chose à se demander c'est : qu'est-ce que le disco-punk ?
Des débuts difficiles : La campagne "Disco Sucks"
affiliée aux amateurs de rock, punk... et aux intégristes religieux.
Souvent sur fond d'homophobie et de racisme...
Introduction & tentatives de définition(s)
On pourrait peut-être avancer une définition assez simple : une section rythmique inspirée du disco et sautillante voire dansante (on parle souvent aussi de dance punk), et des guitares tranchantes héritées du punk. Pas parfait, mais ça donne le point de départ.
On va donc parler de deux approches contradictoires et complémentaires : on a d'un côté un aspect dansant appliqué à du rock / du punk, ce qui a tendance à rendre plus accessible un matériau de base plus agressif. Et d'un autre côté, on peut pervertir une musique dance au sens large (disco, électrofunk, électropop...) avec des aspects punks (guitares typiques mais aussi paroles, nihilisme, attitude, revendications, rythmes, production agressive...). Et tous les groupes dont on va parler se situent quelque part entre ces deux approches.
Alors bien sûr, disco-punk c'est à la fois très vague et très précis, disons qu'on va parler au sens plus large de "dance-rock", de rock qui s'acoquine avec des musiques dansantes, ou l'inverse. Et ces définitions et classifications de groupes sont toutes personnelles, subjectives, contestables, et souvent inutiles.
Dans le sens où, par définition, classer un artiste dans un genre musical.... ça sert à se repérer un peu mais c'est tout, c'est comme classer des chaussettes... Comment vous faites ? Par saison, taille, couleur, motif, préférence, ancienneté ? Le classement est par essence stupide et erroné, mais pratique pour donner quelques repères. C'est un prétexte à la discussion.
Et pour que ce soit plus concret, je vais donner quelques exemples de ce qu'on pourrait appeler les origines du sous-genre, à dater de la fin des années 70 et de l'éclosion respective des 2 genres originels, et avancer chronologiquement jusqu'à nos jours.
Sparks
1) 75-77 : Le Glam rock, précurseur :
Dès les années 50, le rock est une musique qui se danse avant tout. On voit après les excès du prog des années 70 un retour vers les rockers des années 50, le rockabilly, le cuir.... Mais aussi une musique beaucoup moins cérébrale et plus physique : le punk. Il n'est donc pas surprenant que les précurseurs du disco punk soient issus du glam rock, qui a préfiguré la vague punk. On peut prendre quelques exemples glam sautillants voire dansants comme :
Talking Heads 77
2) 77-79 : apogée du disco et du punk, première vague disco punk :
Arrive ensuite la vague punk, tandis que du côté des musiques noires, la Philly Soul accouche du disco. Certains artistes, influencés d'un côté par le punk, de l'autre par le funk ou le disco, forment ce qu'on pourrait appeler une première vague disco punk :
Ces artistes majeurs du punk et du post-punk utilisent des éléments du disco, du funk pour créer un hybride ayant à la fois l'énergie, la folie et l'agressivité nihilisme de l'un, et la rythmique implacable et accrocheuse de l'autre. Rien de mieux pour faire passer un message fort que de l'enrober dans un emballage vendeur. C'est la recette imparable qu'ont notamment mis en œuvre les Gang Of Four, qu'on peut qualifier comme les parrains et principale référence esthétique du genre.
Gang Of Four - Entertainment ! l'album fondateur
3) 80 - 82 : Récupération du mouvement par la pop :
Que ce soient les Stones en quête de renouveau, les Queen qui se retrouvent une identité nouvelle après le glam-rock, ou Bowie dans son processus créatif, beaucoup d'anciens des sixties et seventies adoptent des éléments disco-punk :
Les punks se reconvertissant dans la new wave et la pop donnent aussi dans le genre, avec notamment le "Call Me" de Blondie qui est un bon marqueur du genre, côté pop plus que punk :
Pendant que des petits jeunes font leurs sauce dans leur coin en appliquant la bonne vieille recette à la grammaire post-punk :
Et que la pop mainstream applique l'idée au hard FM :
Blondie - Call Me
Le groupe de pop issu du punk
produit par le roi du disco Moroder
4) 80 - 82 : Collisions Disco-Punk et Electro-Funk :
N'omettons pas de parler des innovateurs de la black music qui ont croisé certains éléments disco-punk pour les croiser avec leur propre musique, pour des résultats souvent épatants et influents par la suite :
Si ça c'est pas une photo punk... (Prince)
5) 83 -90 : Electropop et dilution du mouvement :
Le mouvement disco-punk se fait phagocyter par la pop et l'électropop / new wave notamment, et se dilue dans ces mouvements progressivement. On oublie l'influence punk déjà bien diluée, et on n'en garde que quelques éléments sortis de leur contexte (dont le nihilisme et la noirceur pour certains), et on se concentre sur le côté dance. C'est un peu l'histoire du groupe New Order d'ailleurs :
New Order - The Perfect Kiss
6) 1990 - 2003 : Un début de renaissance :
Les pionniers de Madchester et leurs héritiers de la britpop d'un côté reprennent l'idée de dance-rock avec une approche plus rock et moins électropop :
De l'autre côté de l'Atlantique, l'indus combine des éléments issus du disco et de la new wave avec des éléments punk, dans approche originale :
Et les scènes rave s'intéressent à la fois à des musiques plus extrêmes : rock, voire punk, et aussi au disco :
Toutes ces démarches influencent le mainstream de façon importante, on peut citer par exemple :
Le revival musical rock des années 70, s'enchaînant avec celui des années 80 et sous l'impulsion de ces scènes dance-rock permettent l'éclosion d'une seconde vague disco punk au début des années 2000.
The Rapture : Echoes, l'album phare
7) 2003 - 2004 : La seconde vague disco-punk :
Les Gang Of Four étaient le groupe majeur de la première vague, les Rapture sont le groupe de la seconde, et leur album Echoes est le manifeste du genre, le Entertainment ! des années 2000.
Dans la même veine :
On peut citer aussi Franz Ferdinant, grand héritier du post-punk sautillant et machine à danser et faire tomber les filles (et les garçons) :
Franz Ferdinand -Franz Ferdinand
8) 2004 - 2008 : Fractionnement du mouvement :
Mais ces groupes se dissolvent ou changent de direction artistique, après avoir laissé un fort impact sur la pop de l'époque. On retrouve cette influence directe dans divers courants dance-rock.
Premièrement avec une approche plus électronique (DFA est un label clé du genre) :
D'un autre côté on a toute une scène électro-rock psychédélique qui émerge sur ces cendres :
On a des fidèles du genre original :
Et des tarés géniaux qui s'en servent comme base pour déconstruire toute l'histoire de la pop et nous la resservir assaisonnée d'électronique façon Frankenstein cyborg :
Late Of The Pier - Fantasy Black Channel
9) 2004 - 2008 : Disco-punk maintream (et deuxième dilution dans la synthpop) :
Plusieurs groupes à succès ont repris l'esthétique disco-punk en proposant une musique bien plus pop, et ont rencontré un succès commercial assez conséquent :
Et le reviva eighties battant son plein, ces groupes à succès optèrent vite pour une musique plus synthpop. L'histoire se répète donc, et une nouvelle fois une forme de new wave à synthés avala tout cru un début de mouvement disco-punk.
Gossip
10) Depuis 2007 : Influences
On note une certaine influence du mouvement sur de nombreux pans de la pop
Sur une partie de la scène hiphop/rnb :
Sur des groupes plus pop
Ou plus rock :
Ou bien encore plus électroniques :
Notons que beaucoup de groupes électro-rock ou électropop moins consensuels s'inspirent aussi de précurseurs issus du punk ou du post punk (Suicide, Soft Cell...).
Et même chez des Français (c'est plutôt ténu quand même) :
Et depuis, on ne compte plus les groupes influencés par une certaine forme de dance rock, piochant dans le disco, le punk, l'électro, la synthpop pour en ressortir des œuvres parfois grandioses :
La Femme
Conclusion
Pour finir, on peut dire que le disco-punk.... Ben au final soit ça n'existe pas, soit ça n'est pas grand chose. Au sens strict quasiment aucun groupe ne combine les éléments des deux genres de façon parfaite. Il s'agit plutôt de gens qui se reconnaissent dans les esthétiques des deux musiques et en empruntent des éléments pour produire leur propre art, avec des proportions variables de chacune des deux.
On peut donc tenter comme je viens de le faire de résumer ce terme un peu fourre-tout (et très marketing, il faut l'avouer) et ce qu'il englobe, et de faire un tour rapide des influences diverses exercées par ce mouvement qui n'en est pas un.
Le disco-punk est un concept génial qui a donné des choses fabuleuses (Gang Of Four, Talking Heads, Rapture, Franz Ferdinand...) et beaucoup de rejetons abominables (insérerzle nom de votre choix ici et dans les commentaires).
J'espère que cet article vous a plu, merci pour votre lecture !
N'hésitez pas à ajouter un commentaire sur votre ressenti par rapport au format ou au contenu de l'article.7
Merci beaucoup à tous les commentateurs, et à bientôt pour de nouvelles avantures.
Alexandre