Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

jeudi 22 décembre 2016

David Bowie - Blackstar (2016)



  Que dire du dernier album du grand David ? Que c'est un des meilleurs de l'année et plus ? Que c'est devant Earthling mon préféré depuis Scary Monsters ? Que son décès laissera un grand vide qu'aucune réédition ou ressortie d'inédits posthumes ne pourra combler. Tout ça à la fois. Mais on va surtout parler musique, car cet album dense et généreux le mérite.




  Tout commence avec "Blackstar" (le morceau), un orchestre instaure une ambiance particulière, sombre et désertique, très ancienne et futuriste, mystique et dystopique, comme une BO SF d'un Dune moderne. Le vent se lève et emporte les poussières et le sable chaud du désert. Des hommes en combinaison de Fremen contemplent les millions d'étoiles et les deux lunes dans le ciel avant de se diriger vers un massif rocheux enfoncé entre deux dunes gigantesques... Cet album, via l'orchestration orientalisante très riche et les cordes cinématographiques, appelle milles images, milles parfums d'épices, de cannelle, de sable et de sueur. D'ailleurs je n'étais pas surpris de découvrir que le clip n'était pas si éloigné de mon image mentale que cela. Et l'artwork magnifique et très travaillé de l'album souligne cette beauté très graphique de la musique présentée ici.




  Bowie a toujours su inclure ses chansons pop très fortes dans des univers très différents. Il s'attaque là à un free jazz à la fois orchestral et électronique, et meut sa voix de prêcheur antique dans un dédale de rythmes secs en contretemps, de solos de saxophone granuleux, de bleeps électroniques, et de cordes reptiliennes, au cours d'une composition titanesque, presque une épopée, mais sans le côté boursouflé de la chose, avec un talent inouï de conteur, ainsi que dans la structure et dans la mise en son du morceau. Le morceau finit en ajoutant une touche plus funky et pop avant de revenir sur son ambiance sombre. Excellentissime, et très inattendu. Autant d'audace et de maestria après le bon mais (trop?) classique The Next Day, c'était très clairement attendu par personne. David a encore pris tout le monde par surprise. 

  Difficile donc d'enchaîner sur quoi que ce soit après une composition aussi titanesque et grandiose. Pourtant, "'Tis A Pity She Was A Whore" y arrive. Démarrant par des halètements, dont on comprend la raison lorsque le rythmé véloce et cogneur débarque, elle introduit la voix magnifique du crooner Bowie, encadrée de chœurs  de saxophones free et de synthés brillants post-disco. Et ça à toute allure, sans regarder en arrière une fois dans le morceau. On fonce et tant pis pour le reste, plus rien d'autre ne compte. Ce qui donne un morceau prenant. 




  Tout comme le plus languide mais tout aussi en tension "Lazarus", le morceau suivant, qui s'appuie sur une guitare new wave, une frappe de batterie sèche et une basse funky et se déchire de lancinantes guitares industrielles. Pour offrir à un Bowie à nu, à découvert et fort de ses fêlures un magnifique écrin dans lequel son chant de crooner déroule des paroles puissantes avec intensité et conviction. Le David a trouvé sa voix d'homme mûr, et sait divinement bien chanter avec. L'intensité émotionnelle ne retombe pas une seule seconde.

  "Sue (Or In A Season Of Crime)" part elle aussi sur un rythme effréné, avec des guitares plus rock et menaçantes, une ambiance industrielle rappelant Earthling et Outside, mais toujours cette touche jazzy. Très très bonne chanson également. Suivie d'un "Girl Loves Me" plus apaisé, presque en apesanteur, et magnifique également, avec son refrain pop très accrocheur (la section rythmique est à tomber), ses cordes somptueuse et Bowie qui nous susurre dans l'oreille comme au temps de Low.




  La suivante, "Dollar Days", est un sommet d'émotion, et une de mes préférées de l'album. Plus classique, folk pop presque glam, elle déroule des paroles déchirantes via un chant qui ne l'est pas moins. La chanson mélancolique absolue, un chef-d'oeuvre total, avec un solo de saxophone très pop finalement, dont chaque note est précisément placée là pour servir la mélodie.

  Cet album grandiose et dense se termine sur "I Can't Give Everything Away", ses cordes jouées au synthé, son rythme de drum machine, son chant soul et son harmonica à la Stevie Wonder, et encore une fois un magnifique travail du backing band jazz qui sait aussi jouer rock à merveille (cette guitare frippienne....). Bowie et son chant affecté se débat et se noie, puis sort la tête hors de l'eau au cours de ce morceau dense au rythme trop soutenu, et sa discographie se termine sur un écho appelant à la réécoute.



  Chef-d'oeuvre bouleversant, véritable rencontre avec l'artiste et immersion totale dans son oeuvre (pour ma part en tous cas), la connexion émotionnelle aussi forte avec un disque ne laisse pas de doute : c'est un très grand. David Bowie a pu partir fier, la tête haute, son héritage et son influence enrichis d'une dernière et magnifique pierre que l'humanité n'a pas fini de scruter pour en dénicher les secrets, pendant des siècles encore. 
Bye Bye David, encore bravo pour ce disque qui laisse à genoux.

Voici le lien pour l'écouter.


Alexandre


11 commentaires:

  1. Sacré David : tu nous as bien eu sur ce coup-là !

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  2. Décidément tu t'attaques aux deux disques que j'aurai le plus écoutés cette année et appréciés...
    Comme toi ma préférée est peut-être ce "Dollar days" très émouvant...mais le reste de l'album est top, une grande réussite, et finalement je ne sais pas si quelqu'un aura fait mieux cette année....?

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    1. Solde de tous comptes avant top de fin d'année (pour mi-janvier ;) !).

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  3. Très très bon disque, pas loin d'être mon Bowie préféré (je maîtrise mal sa disco cela dit).
    Tu comptes faire un "top" classé au final pour cette année ?

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    1. Oui, ca arrivera vers le 15-20 janvier. J'avais pas mal de chroniques prévues qui ont été decalees par la Perfection Weekend, et puis de toutes façons il est pas mis en forme encore. Et toi ?

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    2. Perfect pas perfection (stupide autocorrect)

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    3. Moi aussi, mais j'ai du mal à m'y mettre. Pas mal de projets hors internet en ce moment + avec IRM (notamment le IRMxTP, je sais pas si t'as vu, c'est la compil' qu'on prépare sur IndieRockMag avec une pléiade d'artistes qui composent des titres 'à la manière de Twin Peaks').
      Mais oui, il y aura un top en janvier de mon côté aussi =)
      Curieux de découvrir le tien.

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    4. Sisi j'ai vu ça ! Je connais peu Twin Peaks, j'avais emprunté les DVD à la médiathèque il y a quelques années et commencé à regarder mais j'ai pas pu finir, trop de boulot.
      Je suis dans la mise en forme moi, c'est long mais ça sortira vers mi janvier normalement :)

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  4. Trop d'histoire(s) avec David pour dire que celui là est le meilleur, il m'accompagne depuis la major Tom qui me faisait regarder la lune. Il se tirait la bourre pour être le numéro 1 de mon coeur avec son pote Lou Reed. Les deux sont devenus les priorités de ma discothèque quand mes goûts se sont affinés vers 15 ans,le starman affrontait la walk on the wild side ... merveilleuse année de 72, le plus beau paroxysme musical annuel que mes oreilles n'aient entendu.
    Alors celui là merveilleux, meêm à distance de l'émotion de sa disparition. Album de l'année, probable.

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    1. Pas le meilleur de Bowie tout court. Mais mon préféré depuis Scary Monsters que j'adore !
      La dualité Bowie / Reed ça me parle.
      Merci pour ton commentaire c'est toujours intéressant le partage de ressentis aussi forts et durables

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