Cette petite série d'articles a pour but de partager quelques-unes des reprises et réinterprétations qui m'ont le plus marquées récemment, et ça vous permettra peut-être de vous la ramener en soirée avec des trucs moins évidents que la liste ci-dessus (même si elles sont très bien).
Au hasard d'internet, je suis tombé sur une compilation hommage à Polnareff de 1999 avec pas mal d'artistes français et internationaux dedans, et quand j'ai lu la liste j'ai presque autant été scotché qu'en l'écoutant. Je vous propose donc d'écouter des reprises de notre Amiral national par Marc Almond (ex-Soft Cell), The Residents et Nick Cave. Aussi incroyable que cela puisse paraître.
Marc Almond - Âme Câline
The Residents - Love Me Please Love Me
Nick Cave - Goodbye Marilou
Mais ça va dans les deux sens. Et en attendant la collaboration JULNAREFF (qui nous consolera ou pas des rumeurs d'album de Michel produit par Justice il y a quelques années), notre monument national a repris -et pas mal détourné- "JCVD" de Jul au piano.
Michel Polnareff - JCVD (Jul Cover, 2020)
Jul - JCVD (Originale, Clip, 2019)
Et pour finir, parce que c'est aussi lunaire que beau, un petit medley au piano de Polnareff, catapulté dans le désert, qui nous démontre sa sensibilité inouïe et sa virtuosité indiscutable.
Ceci est la première d'une petite série d'articles qui ont pour but de partager quelques-unes des reprises et réinterprétations qui m'ont le plus marquées récemment, et ça vous permettra peut-être de vous la ramener en soirée avec des trucs moins évidents que la liste ci-dessus (même si elles sont très bien).
Cette version du "Politely" d'Art Blakey par Tony Allen est une des reprises les plus bouleversantes et un des hommages les plus sincères que j'ai pu écouter depuis un bail. Les deux batteurs, forces créatrices uniques, précieuses et sensibles, sont ici chacun au sommet de leur art, et la version Allen redécouverte pour ma part après sa disparition, est déchirante.
Tony Allen - Politely (2018)
Art Blakey & The Jazz Messengers - Politely (1960)
Au rayon "reprises du confinement", option livestream, le chanteur/rappeur Post Malone a partagé un petit set de reprises de Nirvana bien foutues, avec Travis Barker aux fûts, Brian Lee à la basse et Nick Mac à la guitare. Le tout pour un but caritatif. Et si on savait la popstar fan de rock et à l'aise guitare en main le temps d'une reprise ou deux (plus son morceau avec Ozzy Osbourne), voir tout un set vraiment rock prouve qu'il a en stock de quoi creuser cette direction. Je vous mets ici un extrait de ce mini concert plutôt réussi :
Post Malone - Heart-Shaped Box (Nirvana Cover, 2020)
Nirvana - Heart-Shaped Box (Originale, 1993)
En se perdant sur youtube, on peut tomber sur des pépites, et ça a été mon cas avec cette version live du "Swan Lake" de Madness, détournée façon ska british à partir du célèbre Lac des Cygnes de Tchaïkovski. Déjà, en elle même la version est géniale, fun et hyper bien adaptée, le son chaud, l'ambiance euphorisante et mélancolique en même temps. Mais alors, les voir danser sur scène c'est -presque- aussi beau qu'un ballet et ils compensent la grâce par un humour tout en gestuelle, digne des films muets.
Madness - Swan Lake (Live in Paris)
Et pour finir en douceur, une interprétation vigoureuse et fraîche de Bach par le joueur de clavecin Jean Rondeau et son ensemble :
Jean Rondeau - Bach:
Harpsichord Concerto No.1 in D Minor BWV 1052
Parmi les nombreuses disparitions ayant touché le monde de la musique ces derniers temps -en grande partie dues au Covid, mais pas que- celle de Moon Martin est un peu passée inaperçue pour beaucoup. C'est vrai que l'énigmatique rockeur, champion de la power pop 80's, n'est pas le plus connu des musiciens non plus même s'il a quelques succès populaires à son actif, et qu'il flotte autour de lui une atmosphère de mystère rock'n'roll.
Sans avoir l'aura d'un Roy Orbison par exemple, et sans non plus avoir uneedémarche totale à la Kraftwerk (gesamtkunstwerk diraient certains), l'association entre un look bien identifiable et un style musical marqué, sans tomber dans le gimmick a participé à une certaine mystique autour de lui
(NB : je tiens à préciser que c'est rigolo parfois le gimmick et que je n'ai rien contre tant que ça ne nuit pas au contenu s'il y en a)
Bref, tout ça pour introduire ce morceau, et pour lier le personnage à l'aura de mystère, la fascination que "Bad News" engendre immédiatement, son ambiance brumeuse, marécageuse, qui m'a toujours évoqué un bayou de nuit, impénétrable, où la vision se perd dans le brouillard épais et les marais insondables. Mais le morceau pourrait tout aussi bien évoquer une ruelle glauque éclairée par des néons, une boîte de nuit, ou tant d'autres choses. Elle a en tous cas un côté visuel, presque cinématographique dans son ambiance, elle est en tous cas terriblement évocatrice. C'est ce qui participe à son charme unique et en fait, dès la première écoute, un classique assez incontestable.
Tout ça est rendu possible par une maîtrise totale de son art : savoir faire monter la sauce, installer une ambiance d'abord avec le minimum : tout est métronomique, de la ligne de basse au beat en passant par le riff de boogie étouffé. Quelques éclaboussures de synthé de bar à cocktail pour habiller le tout, une voix claire, parfois rauque, mais très propre dans le falsetto. Sans âge, presque bluesy. Et puis ce riff qui s'intensifie sur le refrain avec cette guitare qui s'excite, cette batterie qui s'autorise quelques roulements... C'est toute la science de l'efficacité power pop qu'on a là, synthétisée en un titre, mais sans le côté glam, exubérant du genre, troqué ici pour l’intrigante ambiance de nuit sans lune qui en fait tout le sel.
Ce morceau, que j'ai en 45tours depuis un moment, est probablement un des premiers morceaux qui m'a marqué enfant, en tous cas un de mes plus vieux souvenirs musicaux de radio. Un exemple parfait de l'existence de ce "petit truc en plus" qui faire d'une bête chanson un truc immortel, une preuve que la musique peut avoir une résonance inouïe en chacun de nous. Elle m'a probablement ouvert quelques portes en m'exposant à quelques références musicales bien senties (power pop, new wave côté rock voire glam rock, "Riders On The Storm" des Doors, boogie, que sais-je...), et elle a en tous cas participé à éveillé mon intérêt pour la Pop, le Rock, la musique de manière générale. Et pour ça, je voudrais rendre hommage à Moon Martin, non pas de façon très originale avec une chanson que personne ne connaît, mais de façon très personnelle tout de même en réécoutant ce "Bad News" qui m'a touché, et accompagné de plus ou moins loin depuis des années.
ARTHUR, que vous avez peut-être déjà croisé ici (mon album de l'année 2018, et quelques uns de mes EPs préférés de ces dernières années, c'était déjà lui), propose aujourd'hui un nouvel album, Hair Of The Dog, dont je vais vous parler avec plaisir aujourd'hui. Au-délà du titre, c'est également une suite musicale directe à Woof Woof (2018), avec un côté encore plus concis, direct, pop et maîtrisé tout en allant plus loin sur certains aspects expérimentaux de production.
Très bon exemple de cette démarche, le single "Feel Good" commence avec une intro percussive qui pose l'ambiance avec un sound design particulièrement intéressant avant d'apporter une mélodie pop immédiate comme du Beach Boys, mais traités comme chez Animal Collective période Centipede Hz ou Painting With. On a tout : la mélodie immédiate, les gimmicks accrocheurs des arrangements, le rythme entraînant, mais tout celà est agrémenté d'éléments dissonants, de sons et d'effets de production très travaillés et extraterrestres, mais sans trop en faire et en préservant le côté pop du morceau de base. C'est un peu la suite logique de la lignée qui part de glorieux aînés 60's (Beatles psyché, United States of America, Fifty Foot Hose, Silver Apples, Residents...) en passant par les Flaming Lips (avec Dave Fridman et Mercury Rev) puis MGMT, pour aller jusqu'à Connan Mockasin.
ARTHUR - Feel Good (2020)
Beaucoup de ces morceaux sont assez courts et se fondent les uns dans les autres, formant une suite, une sorte de mini symphonie électro-pop psyché, comme si Brian Wilson était un enfant des 90's biberonné à Kid A et MGMT ("Fatalist"/"I Don"t Want To Talk To You"/"Epic"). Et dans l'ensemble, on a malgré tous les effets psyché et électroniques une certaine retenue dans la production qui rend les morceaux plus lisibles, pop et accessibles ("William Penn", "You Are Mine").
D'ailleurs, une certaine idée du songwriting pop-rock indé 90's, de Elliott Smith à Daniel Johnston, est également présent en creux, comme sur "I Don't Want To Talk To You" ou la très Lips (au sens large, avec des influences des Lips des débuts 80's plus rock indé jusqu'à la période électropop) "Fix", et ça n'est pas si étonnant lorsqu'on repense à l'influence de Pavement sur Animal Collective (et sur "Simple Song" ici). Pour la période, les influences cartoon post-Residents rappellera aussi aux 20-30 ans la période des cartoons délirants des Nickelodeon et Cie des années 90-2000.
ARTHUR - Fix (2020)
Quelques éléments nouveaux viennent nourrir la musique d'ARTHUR, et des éléments nu-disco/chillwave à la Neon Indian ou Saint Pepsi, mais aussi jazz-funk, viennent ponctuer la très bonne et assez pop "No Tengo". On a même un couplet rap très cool de Caleb Giles sur la belle "Something Sweet". Les sonorités sont donc variées, mais les ambiances également, puisqu'elles sont tour à tour surréalistes, joyeuses, joueuses, ironiques, mélancoliques, souvent un peu tout en même temps ("Biz").
Je l'ai évoqué, ARTHUR sait prendre le temps d'instaurer une ambiance malgré une prime à la concision. Par exemple, la géniale "8 Melodies", qui ouvre le disque, prend vraiment le temps de la mise en place en ajoutant des couches d'arrangements pop délicieux avant d'introduire le chant en fin de morceau pour une conclusion d'autant plus savoureuse. Et comme je l'ai également suggéré, l'album est extrêmement bien construit et fluide, avec des morceaux qui partent du précédent et amènent au suivant, l'album prenant en ampleur à chaque transition ("Man Has Made Himself" qui ouvre sur "Fix", etc...).
ARTHUR - 8 Melodies (2020)
En fin de compte, même si Hair Of The Dog n'a pas pour lui l'effet de surprise à couper le souffle qui accompagnait les premières sorties d'ARTHUR, et qu'on est désormais en terrain connu, il continue à émerveiller tout autant avec ce deuxième long format hyper maîtrisé et totalement dingue à la fois, aussi profond que fun, aussi pop qu'expérimental, et c'est une vraie prouesse artistique.
Mes morceaux préférés :8 Melodies, Feel Good, I Don't Want To Talk To You, Fix, William Penn
Alors que côté nouveautés musicales qui nous ont excitées, c'était plutôt calme depuis le début 2020 malgré quelques excellentes sorties dont on a parlé sur ce blog, la période épidémique que nous vivons a encore diminué cette frénésie de sorties et c'était un peu le calme plat, malgré un temps accru pour l'écoute. Peut-être qu'on n'a pas assez fouillé, peut-être aussi que ça nous a permis de retrouver quelques classiques personnels et de réécouter quelques oldies ressorties de l'étagère. En revanche, depuis 2 semaines, il y a comme une accélération, un genre de déconfinement de l'industrie musicale qui accompagne les premières sorties masquées de ce printemps très bizarre.
Un des premiers disques dont je vais vous parler ici, c'est le disque de confinement de Charli XCX, How I'm Feeling Now. Mais d'abord un peu de contexte. Charli avait un album dans les dernières finitions en début d'année, prévu aux alentours de cet été, pour faire suite au triomphe de Charli, sorti l'an dernier. Elle avait également fait part de son souhait, en parallèle de ce gros album de major assez cadré, et qu'on imagine assez massif dans son ambition et son envergure, sortir au cours de l'année un autre long format plus spontané avec ses collaborateurs habituels, dont AG Cook de PC Music.
Charli XCX - forever (Clip, 2020)
Mais ce plan s'est, comme beaucoup, heurté au coronavirus. Bloquée dans sa maison de location aux USA, elle décide de prendre le temps pendant son confinement de faire cet album spontané, pour documenter cette période étrange plus trop en phase avec le "gros" album déjà prévu, et annonce un titre et une date, le 15 mai, au début de la période de confinement, en partant de rien. Elle envoie des mails à ses collaborateurs, reçoit des prods, bosse dessus, sonde Twitter pour les titres et les artworks, travaille d'arrache pied, et finalement, le jour voulu, l'album sort.
Côté textes, c'est beaucoup influencé par son couple. Se retrouvant bloquée avec son copain, avec lequel elle avait toujours vécu à distance, dans une relation qui semblait selon elle touchée à son terme, la période a servi de révélateur, et le couple s'est beaucoup rapproché (cette situation fera écho à pas mal de monde, ça a été quitte ou double pour de nombreux jeunes -ou pas d'ailleurs- couples). Ça parlera donc beaucoup d'amour, de l'euphorie d'une relation épanouissante qu'on sent s'approfondir et qui éclot au jour le jour. Des textes légers et spontanés qui vont avec le côté frais et libre de l'album, conçu au final comme une mixtape improvisée au fur et à mesure. Evidemment, le contexte d'isolement et de pandémie jouera un peu sur les thèmes abordés, et l'esthétique do-it-yourself et post-internet des visuels également.
Charli XCX - pink diamond (2020)
Côté musique, on retrouve à la prod quelques habitués, dont AG Cook dont on a parlé ci-dessus et Dylan Brady des 100gecs, et quelques autres dont BJ Burton et Palmistry.
Côté résultat : c'est exactement ce qu'on aurait pu en attendre. Une série de bangers sans prise de tête, aussi accrocheurs qu'abrasifs, aussi légers qu'expérimentaux. La magie du gang PC Music est toujours là, et accouche de quelques uns des meilleurs morceaux ici : le saturé et percutant "Pink Diamond", la magnifique "forever", une énorme claque musicale douce-amère, à la fois tubesque et intime, tout en tentant des trucs, et on ne se lasse pas de la réécouter en boucle. Un des singles qui m'a le plus retourné la tête ces derniers temps.
On a également dans le rayon tubes "claws", très 100gecs dans l'esthétique, très fun dans l'utilisation des effets sonores et des percussions. "i finally understand" est une belle relecture de l'électro anglaise façon breakbeat / drum'n'bass etc, avec un bon petit accent british pour accentuer la diction. "7 years" sonne un peu plus datée mais reste très sympathique dans un style électro-pop à paillettes.
Charli XCX - claws (Clip, 2020)
Le rush d'adrénaline viendra quant à lui avec la montée euphorisante de "party 4 u", qui enchaîne sur un duo "anthems"/"visions" qui claque des culs et va dans le sens de mon ptit pari perso sur le futur proche de la pop : le prochain revival sera celui des musiques électroniques des années 90 et 2000 . C'est déjà enclenché et vous ne pouvez rien y faire, remballez le bon goût au placard, ressortez les CD 2 titres des Benassi Bros et Cascada, votre meilleure casquette Fun radio et préparez-vous.
Quelques tracks sont aux premières écoutes un peu moins originales ou maquantes, mais solides, comme "detonate" qui tourne un peu en rond en début de morceau avant une conclusion très réussie. Juste après, "enemy" est un peu au-dessus, sorte de mix entre emo-trap et retrowave, le tout remixé façon PC Music. De même, "c2.0", sorte de relecture/remix de "Click" (présente sur Charli) arrive à titiller les circuits de récompense sans pour autant réinventer la roue.
Moins bien fini que Charli -et c'est normal- cet album/mixtape de confinement est tout de même une bonne petite sortie qui fait plaisir, dans la lignée de Vroom Vroom, Number 1 Angel et Pop 2, et qui, sans être un chef-d'oeuvre incontestable, continue d'installer Charli au sommet de la pop mondialisée et apporte un peu de fraîcheur au paysage.
Mes morceaux préférés : Pink Diamond, forever, claws
Aujourd'hui, je vous propose de réécouter un superbe single de disco-funk, qui a été numéro 1 des classements dance en 1980, mais trop peu reconnu et ressorti ces derniers temps, "Can't Fake The Feeling" de Geraldine Hunt. Si vous êtes amateurs de Chic ou des Crusaders, ça va vous plaire croyez moi.
Cette guitare à la Nile Rodgers (avec un très court solo final), cette basse bondissante soutenue par un beat pas trop écrasant (petite mention aux délicats handclaps), ces petits claviers jazzy et puis cet orchestre qui soutient le tout et lui donne une ampleur : tout ça forme un tapis magnifique pour la voix impériale de la diva et a joliment traversé les années.
En des circonstances tragiques, puisque Dave Greenfield nous a quittés cette semaine, je me suis repassé Feline (1983), l'album des Stranglers qui tourne le plus chez moi (je m'étais mis à pas mal le réécouter ces derniers mois). Les choeurs et surtout les claviers de Greenfield hantent ce disque particulier, leur 6e album, leur plus accessible alors puisque les anciens punks avaient déjà bien entamé leur mue pop. C'est un disque continental, européen, sophistiqué, naviguant entre guitares acoustiques chaudes et sensuelles, évoquant souvent l'Espagne, la France ou l'Italie (on a également des formes anciennes ou en tous cas non-rock de musiques, comme la valse, la chanson folk de ces pays ou le tango, qui sont évoqués) et synthés & beats au son froid, plus proche du rock synthétique allemand et de la coldwave anglaise.
The Stranglers - Midnight Summer Dream
Ce mélange fait des étincelles dès les premiers titres : "Midnight Summer Dream" éblouit d'entrée avec ses accords intemporels, sa guitare sans âge, son synthé de papier glacé et son chanté parlé classe, on se croirait presque chez Roxy Music. Porté par une section rythmique post-punk et magnifié par une guitare et des claviers hispaniques, "It's A Small World" est un autre parfait exemple de la direction artistique du disque, avec là encore une diction très classe du chant et des chœurs délicats. Plus ouvertement rock, power pop et new wave, "Ships That Pass In The Night" se permet tout de même quelques détours vers le Brésil et le Mexique, tout comme la merveilleuse "Let's Tango In Paris" qui, vous l'imaginez bien, fait pas mal voyager. "Blue Sister" fait la même chose avec brio, oscillant entre pop aux influences très hispanique et post-punk à la New Order des débuts.
The Stranglers - European Female
Le morceau le plus évident ici, c'est probablement "The European Female (In Celebration Of)", parfaite rencontre entre la pop synthétique des nouveaux romantiques anglais, le délicat détachement à l'allemande, et une certaine idée de la chanson d'amour façon Europe du Sud, chaude et sensuelle. Avec son rythme mécanique, sa basse doucement funky, ses synthés simples et ses choeurs féminins, on pourrait presque croire que "Paradise" est un morceau du dernier Baxter Dury ou Metronomy, mais ce morceau décidemment en avance sur son temps est bien du Stranglers. A noter, le chant masculin évoque tour à tour David Byrne période Fear Of Music des Talking Heads, et les Pet Shop Boys pour la partie plus chantée parlée, avec un effet "vieille radio" à la Gorillaz : tout ça pour dire que ça ne manque pas d'idée puisqu'une partie de ce que je viens de citer n'était pas encore sorti.
The Stranglers - Paradise
On a des textures proches du jeu vidéo (ou de Yellow Magic Orchestra au choix) dans l'également excellente "All Roads Lead To Rome". Enfin, l'album se finit sur la très riche "Never Say Goodbye", au parfum tour à tour jazz caribéen et folk version psychédélisme anglais.
L'album en tant que tel est un pur chef-d'oeuvre, chaque morceau est mémorable, unique, et la direction artistique du groupe sur Feline est vraiment quelque chose d'assez inclassable et difficile à réduire, assez peu explorée en vérité (à part Roxy Music, je ne vois pas de comparaison directe à faire). La réédition CD et les versions streaming proposent pas mal de très bons bonus, quelques morceaux qui auraient pu être dans la tracklist tellement ils sont chouettes, comme la douce "Savage Breast", la proto-John Maus"Pawsher".
The Stranglers - It's A Small World
On a également quelques curiosités comme "Permission", qui traite le tango comme la dub traite le reggae, "(The Strange Circumstances Which Lead To) Vladimir And Olga" quelque part entre musique baroque, Wendy Carlos et Jean-Jaques Perrey,avec quelques influences russes. Et puis il y a également l'abstraite "Aural Sculpture Manifesto" avec sa déclamation poétique sur un tapis de bruitages électro qui finit en synthé bien pompeux/baveux. Et enfin, des versions live ("Midnight Summer Dream / European Female"). Plutôt intéressants pour des bonus tracks.
Vous l'aurez compris à ce stade, Feline est un classique personnel, une oeuvre vraiment unique dans son mélange de sonorités et sa sensibilité, magnifique, délicate, et inégalable dans son genre, composée uniquement de morceaux parfaits et marquants, et je vous recommande chaudement de la (re)découvrir.
Little Richard est malheureusement le plus récent d'une liste bien trop longue à mon goût de musiciens géniaux qui nous quittent en ce moment... Trop peu cité, il a pourtant probablement plus apporté à la musique qu'Elvis Presley (que j'adore par ailleurs), et il est probablement au chant et au piano ce que Chuck Berry a été à la guitare : le daron du rock. Mais pas que, puisque de la soul au gospel, il a eu une seconde carrière assez riche (même si je ne la connais que plus fragmentairement, de même que sa vie assez romanesque : il a été pasteur ou un truc comme ça après ses excès 50s).
Little Richard - Rip It Up
Ses hurlements saturés flamboyants et sexuels, sa voix rauque passant du grave aux aigus irréels, son piano martelé, son énergie scénique urgente ont autant marqué les Beatles, les Stones, T.Rex... (et donc la pop et le rock), que les Sonics et Motörhead... (et donc le rock garage et le punk) et Otis Redding, James Brown ou Prince... (et donc la soul et le funk). C'était un géant, inégalé dans son genre. Le Prince des années 50 en somme, avec 10 ans d'avance sur tout le monde. On dit souvent que les Beatles ont apporté la couleur au rock en noir et blanc d'Elvis, mais pour moi elle était là bien avant, elle était dans les chansons d'un Little Richard exubérant, maquillé et charmeur.
Little Richard - She's Got It
J'y suis venu à 14-15 ans, notant négligemment son nom sur une feuille de brouillon pour aller l'écouter plus tard comme j'en avais l'habitude, sur une liste aux côtés de Creedence Clearwater Revival, tous deux régulièrement cités par Stephen King dans ses bouquins (notamment dan Ça). Je me souviens précisément de m'y être mis, tard un soir, et d'avoir appuyé sur play sur le fameux best of à la pochette rose (ci-dessus) sur Deezer à l'époque. Et d'avoir été immédiatement scotché, soufflé, j'étais à la fois hébété et euphorique. Le lendemain, je pris mon vélo pour foncer au centre culturel du coin, à peu près 20 bornes aller-retour, et je trouvais comme par miracle ce même best of (bon ceci dit ça m'étonnerait pas que ce soit son plus vendu c'est pas totalement un hasard). Il ne m'a plus quitté depuis.
Little Richard - Lucille
Envoyons nous quelques unes de ses chansons à plein volume pour honorer sa musique et la faire découvrir à tous ceux qui sont passés à côté. Un peu de rock bien sexuel, ça ne peut que faire du bien à l'humanité.
Ça commence à devenir un peu trop fréquent à mon goût... Encore une de nos références absolues qui s'en va... Florian Schneider, c'était Kraftwerk, et Kraftwerk, c'est TOUT. Presque tout ce qu'on aime dans la musique actuelle, de la pop à l'électro en passant par le funk, le hip-hop, le jazz, tout a été influencé par Kraftwerk. Et j'exagère à peine. Bien sûr, ils n'étaient pas les seuls, et bien sûr il y en a eu d'autres à expérimenter avec l'électricité, l'électronique et le son avant, mais ils ont su fondre cela dans un moule pop mieux que personne, et fait gagner des décennies à la musique populaire par une suite de coups de génies foudroyants.
On pourrait disserter des heures sur les allers-retours passionnants entre la musique de cet allemand fasciné par les Beach Boys qui voulait inventer une nouvelle pop pour son pays, et la réception de sa musique aux USA, de George Clinton à Afrika Bambaata en passant par Prince, Jeff Mills, Juan Atkins et Herbie Hancock. Sans parler de l'impact du groupe sur les arts visuels et notre imaginaire collectif, des Daft Punk à l'imagerie froide d'androïde pop de l'Europe d'alors et d'aujourd'hui, du Bowie berlinois et de Gary Numan jusqu'à Jacno et Mathématiques Modernes.
Un très, très très grand nous a quittés, et même si ce blog n'a pas pour but de devenir une rubrique nécro, je pense que c'est une bonne chose en cette occasion de partager nos souvenirs liés à cette musique, avec pour but de la réécouter, de la transmettre aussi à ceux qui n'ont pas encore eu la chance de tomber dessus. Je vous propose donc quelques extraits qui m'ont touché à différents moments de ma vie :
Kraftwerk - Tour de France 2003 (Etape 2)
Kraftwerk - Aéro Dynamik
Kraftwerk - The Telephone Call
Contexte : j'ai environ 14 ans, j'écoute du rock de vieux, et je découvre des disques merveilleux chaque semaine en fouillant dans les bacs de la médiathèque et sur Deezer. Je m'intéresse à l'électronique. Le truc de ma génération, c'est Daft Punk. Les copains, les magazines de musique : tout le monde en parle. Je m'y mets, je mets un peu de temps à comprendre mais je saisis le truc : l'électronique, c'est cool... En creusant un peu sur la page Wikipédia dédiée aux Daft, je découvre le nom Kraftwerk, apparemment leur influence principale et papas de l'électronique mondiale. En plus j'ai fait anglais/allemand LV1, et je trouve ça plutôt cool qu'ils soient européens (continentaux, j'entends), ça change des anglais et des américains pour une fois. Je commence par les deux disques alors disponibles dans les bacs de la médiathèque, plutôt tardifs : Tour De France Soundtracks (2003) construite autour d'une nouvelle version de leur single de 1983, et Electric Café (1986) aussi connu sous le nom Techno Pop.
Je suis happé par les nappes planantes (cf l'"Etape 2" ci-dessus) et les boucles techno obsédantes ("Aéro Dynamik") du premier, et par le mariage entre électro et pop du second, qui enchaîne les tubes pop ("The Telephone Call", "Sex Object") et les moments de bravoure digitaux, avec une audace formelle aussi impressionnante que déconcertante, un sens de la formule qui percute et une concision aussi évidente et pop que radicalement minimaliste. C'est une vraie musique populaire d'avant-garde, avec en plus un parfum électrofunk/hip-hop qui me parle ("Boing Boom Tschak"), et même si les premières écoutes sont un peu rudes, car je suis en terrain inconnu, petit à petit ces filtres et ces boucles s'infiltrent dans mon cerveau et le formatent à comprendre ce nouveau paradigme musical même si je ne sais pas immédiatement saisir toutes leurs subtilités.
Kraftwerk - Autobahn
Kraftwerk - Abzug
Kraftwerk - Antenna
Kraftwerk - The Man Machine
Kraftwerk - The Robots
Kraftwerk - Computer World 2
Kraftwerk - It's More Fun To Compute
La suite du voyage est évidente, c'est l'histoire classique de la découverte de leurs classiques, d'abord Autobahn, Trans Europe Express et Radioactivity, puis The Man Machine et Computer World, qui vont chacun bouleverser ma vision de la musique à leur façon, puis l'approfondissement (leurs premiers albums, la suite avec The Mix etc...). Je vous propose quelques-uns de mes morceaux préférés de ces sorties ci-dessus, en essayant de mettre en avant quelques morceaux moins connus si possible histoire de vous les faire (re)découvrir.
En écrivant cette liste impressionnante de classiques, on se rend compte de la richesse inouïe de la discographie de Schneider et du groupe, et en les réécoutant on se rend compte comme, de Moroder à Air en passant par Mr Oizo, Aphex Twin et la new wave (et on en oublie la majorité), ils ont façonné la pop music, méthodiquement, de ses formats les plus accessibles et commerciaux aux coins les plus retranchés des undergrounds aventureux.
Pour tout ça, merci à Florian Schneider et Kraftwerk, éternellement.
Un mois assez riche, avec quelques énormes coups de coeur (KeiyaA, Witch Prophet, Thundercat, Shabazz Palaces, Black Dresses, TOPS...) et beaucoup d'autres très solides albums qu'on a beaucoup aimé pour des tas de raisons différentes. En espérant qu'il en soit de même pour vous, au moins pour certains d'entre eux, je vous souhaite plein de belles découvertes ! Bonne écoute. PS : Ce mois aura aussi été malheureusement marqué par de nombreuses morts, et en particulier dans la communauté musicale, on pense notamment (mais pas seulement) à deux figures qui nous ont marqué Etienne et moi : Christophe et Tony Allen, auxquels nous avons rendu hommage. Leur influence continuera de nourrir de nombreux artistes, et leurs œuvres vont également nous tenir chaud tout au long de notre séjour à nous dans cette enveloppe charnelle de location. L'ALBUM DU MOIS :
KeiyaA - Forever, Ya Girl USA Rnb, Soul, Hip-Hop, Jazz, Funk, Pop, Electro-Pop, Psyché, Electronique Lien vers la chronique KeiyaA est une chanteuse et productrice de Chicago, qui vient de sortir ce magnifique Forever, Ya Girl. Son rnb vaporeux, quelque part entre les déconstructions arty du dernier Solange, les glorieux derniers Blood Orange et Frank Ocean,et toute la tradition nu-soul et hip-hop (Erykah Badu,D'Angelo,J Dilla, A Tribe Called Quest,Marvin Gaye, Curtis Mayfield, Sly Stone, Isaac Hayes...). Le grain jazzy, old school, parfois un peu lo-fi, des instrumentaux est très reconnaissable. Ces prods, qui savent ne pas trop en faire et prendre leur temps pour instaurer une ambiance, respirent, et donnent une âme et une teinte mélancolique, nocturne à l'ensemble, dans une zone floue, brouillée, entre organique, synthétique et électronique. Le chant, doucement rnb, profondément soul, ouvert aux cadences rap, est une merveille, et les morceaux s'enchaînent extrêmement bien, et sonne comme une suite ininterrompue et magnifiquement structurée, créant un ensemble ultra cohérent. C'est une oeuvre totale, vraiment passionnante, puissante et délicate, et un des meilleurs disques de cette année, assurément. Bandcamp /Spotify / Deezer
KeiyaA - Rectifiya (2020)
L'EP DU MOIS :
Asbestos Lead Asbestos - Empty Message
USA Indus, Electronique, Rock, Pop, Psyché
Le duo de Chicago, auteur de l'excellentissime Nature Of The Feline l'an dernier, revient avec un percutant EP, qui sonne tour à tour comme si les Residents avaient rencontré la scène noise-rap actuelle ("Subduction", "Best Coke In Town"), comme une transe ASMR psychédélique, païenne et gothique ("La Petite Mort") ou comme une combinaison de tout ça avec de la trap trempée dans le métal et du punk hardcore bruitiste en pleine rave party ("Don't Get Eaten By The Lizard"). Une oeuvre radicale, captivante, qui ouvre des possibilités assez excitantes pour le groupe. A suivre...
La canadienne d'origine éthiopienne Witch Prophet met en valeur son héritage linguistique venue d'Ethiopie et d'Erythrée (Amharic, Tigrinya, Anglais), familial (les noms des morceaux sont les prénoms de membres de sa famille) et culturel (jazz éthiopien, nu-soul trempée dans le jazz et le hip-hop, psychédélisme sombre, influences caribbéennes...). Ces incroyables pépites, pile entre jazz, hip-hop et soul, sont cosignées par la productrice SUN SUNde Toronto. C'est en tous cas une des œuvres les plus prenantes de ce premier trimestre de l'année et je vous encourage vivement à l'écouter.
Mes morceaux préférés :Musa, Roman, Elsabet, Makda, Darshan
Thundercat - It Is What It Is USA Jazz, Funk, Electro-Pop, Soft-Rock, Rnb Lien vers la chronique
Alternativement -ou plutôt, en même temps- émouvant, hilarant, virtuose, fun, dansant, cet album est le digne successeur du chef d'oeuvre Drunk (2017). Mélange hyper personnel de jazz, de soul-funk, de (soft) rock, de musique de jeux vidéos, d'influences hip-hop et rnb, et de psychédélisme, en en oubliant quelques-uns au passage, la musique du bassiste de génie est toujours aussi prenante.
Mes morceaux préférés :Innerstellar Love, I Love Louis Cole, Black Qualls, How Sway, Funny Thing, Dragonball Durag
Shabazz Palaces - The Don of Diamond Dreams USA Rap, Electronique, Funk, Jazz, Rnb Lien vers la chronique Ce disque est un grand moment de plus dans la discographie de Shabazz Palaces, et son mélange entre tradition (jazz, funk, rock, rap...) et modernité (électronique abstraite, trap, emo-rap...) fait une de fois encore mouche. La balance expérimentation/accessibilité et la concision de cet album jouent également pas mal en sa faveur et nous forcent à faire une seule chose : appuyer sur replay. Spotify / Deezer
Black Dresses - Peaceful As Hell CANADA Rock, Pop, Electro-Pop, Metal/Nu-Metal, Punk, Noise, Indus Lien vers la chronique Après deux albums percutants sortis l'an dernier (dont mon ptit préféré Thank You qui a fini dans mon top 10 de l'année), les deux Black Dresses reviennent déjà avec ce Peaceful As Hell qui porte toujours influences venues du rock des années 2000, de l'électro-pop, avec un peu d'indus et de post-punk et cette fois-ci pas mal de noise, de nu-metal (voire du franchement metal), du punk, de la noise... Et c'est un autre tour de force de la part deDevi McCallion etAda Rook, qui déroute et surprend à chaque instant pour le meilleur. Mes morceaux préférés :Left Arm of Life, Damage Suppressor, Beautiful Friendship, Please Be Nice, I'm A Freak Cause I'm Always Freaked Out, Maybe This World Is Another Planet's Hell, Creep U, 666 Spotify / Bandcamp
TOPS - I Feel Alive CANADA Pop, Electro-Pop/Synthpop, Rock Indé, Disco/Funk Lien vers la chronique
Les TOPS nous avaient charmés avec leur précédent opus en 2017, et les singles de cet album étaient à l'avenant, c'est donc avec hâte qu'on s'est plongés dans ce I Feel Alive tout frais sorti. Si l'album opte pour une production plus grosse, plus moderne aussi, un peu plus "gros son" tout en étant plus clean, on retrouve sa patte sans problème et les tubes sont toujours là. Entre électro-pop, rock indé, disco/funk et pop à guitare option Angleterre 80's, les influences sont connues mais distillées avec une vraie personnalité.I Feel Alive est un petit bijou du genre : frais, immédiat et doté de cette évidence pop qui touche à la grâce.
Mes morceaux préférés :Direct Sunlight, I Feel Alive, Pirouette, Ballads & Sad Movies, Witching Hour, Colder & Closer
Fiona Apple - Fetch The Bolt Cutters USA Pop Indé, Art Rock Un peu à la manière de Tom Waits, Captain Beefheart ou Kate Bush, Fiona Apple déconstruit la pop -et quelques autres genres musicaux : soul, rock, blues, folk...- pour mieux en refaire un truc assez unique, chanté-parlé avec un timbre rauque, perforé par tout un tas de percussions diverses, et un piano impeccable, entre songwriting vieux comme le monde et avant-garde. C'est bien, c'est parfois beaucoup, j'aime la démarche et le résultat intellectuellement, beaucoup de moments sont marquants, mais je suis loin d'en avoir fait le tour et d'avoir un vrai avis bien formé sur ce disque intriguant et long en bouche, si ce n'est qu'il n'est très intéressant et va au bout d'une démarche artistique intéressante tout en étant un des plus accessibles de son auteure. Du très bon donc ! Spotify
STRFKR - Future Past Life USA Electro-Pop, Rock Indé, Psyché Lien vers la chronique Avec leur pop psychédélique mélodique mâtinée de sonorités synthétiques et de pop-rock indé, le dernier disque des américains de STRFKR, Future Past Life, plaira aux amateurs de Air, MGMT, Bewitched Hands, Tame Impala, Flaming Lips ou Grandaddy. Portés par la guitare ou les claviers, ces titres se révèlent immédiats, évidents et accrocheurs. Bref, un très bon petit album de pop, à découvrir absolument pour les amateurs. Un beau pont entre électro-pop, pop-rock indé aux accents doucement psyché. Mes morceaux préférés :Dear Stranger, Never The Same, Deep Dream, Second Hand, Budapest, Sea Foam Spotify / Deezer / Bandcamp / Youtube
Enemy Radio - Loud Is Not Enough USA Hip-Hop, Rap, Soul/Funk, Rock, Reggae/Dub
Enemy Radio est le projet parallèle et la suite directe de Public Enemy, avec Chuck D, DJ Lord et Jahi, dans une optique soundsystem : des MC, des DJ, à l'ancienne. Et cet album est une petite bombe de rap old school qui arrive malgré tout à sonner frais et plein de vie (et de rage). C'est davantage qu'un retour en forme, c'est un disque assez parfait de hip-hop à l'ancienne, qui claque comme les classiques du genre et sonne impeccablement en 2020. Une vraie leçon de longévité.
Mes morceaux préférés : 2020, STD (Slavery Transmitted Disease), Born Woke, Food As A Machine Gun, Last Stand Caravan, The Kids Ain't Alright
Plus frontalement jazz, le dernier album du groupe de Shabaka Hutchings (que vous devez commencer à connaître si vous nous lisez souvent) n'en oublie pas pour autant une intensité psychédélique électrique, et un sens du groove qui n'a rien à envier au funk, tout en gardant cette intransigeance et cette énergie indomptée venue du free jazz.
Un disque puissant, violent, sombre, abrasif, profond et nécessaire, une vraie leçon de jazz, et de musique.
Mes morceaux préférés :They Who Must Die, You've Been Called, The Coming Of The Strange Ones
Ce disque sonne comme un mélange heureux entre les différentes époques du groupe, ni retour au source ni renouveau complet, c'est un disque d'équilibre, dans la continuité de Comeback Machine en moins sombre, intense et claustrophobique. Ici, tout est ouvert, tout sonne grand, en grande partie grâce à la production étonnamment spacieuse de Rick Rubin, qui sépare tous les instruments dans le mix de façon assez radicale. Cette prod donne finalement à cet album une identité, et va bien avec le côté mature, apaisé, dad rock avec un gros son de l'ensemble. Quant aux morceaux, ils sont là, tout va bien, on a droit à quelques classiques sans ratés. En bref, c'est un vrai bon album. Assez solide, concis, avec une vraie direction, des choix de production assumés, des chansons qui tiennent la route, et c'est tout ce qu'on pouvait attendre d'un tel groupe. Certes, pas leur meilleur, pas révolutionnaire, mais bon dans ce qu'il fait, fun et mature à la fois, et offrant quelques morceaux de choix aux amateurs.
Mes morceaux préférés :The Adults Are Talking, Brooklyn Bridge To Chorus, Eternal Summer, At The Door, Ode To The Mets
USA Jazz, Funk, Nu-Soul, Electronique, Hip-Hop, Bossa Nova Lien vers la chronique Le producteur hip-hop Adrian Younge, multi-instrumentiste surdoué également passé par la BO, et la soul/funk, et le rappeur-producteur rap-jazz Ali Shaheed Muhammad d'A Tribe Called Quest ont déjà quelques collaborations ensemble sous le bras, se sont lancés dans un nouveau projet au nom provocateur : Jazz Is Dead. En invitant quelques uns de leurs héros musicaux, des légendes du genres, à venir jammer avec eux, et en tirant de ces sessions des morceaux frais et vigoureux, comme pour conjurer le titre. Sur ce premier volume, ce sont Roy Ayers, Marcos Valle et quelques autres qui viennent embellir notre bibliothèque Spotify de quelques perles soul-jazz. Une très belle sortie ! Mes morceaux préférés :Hey Lover, Conexão, Apocaliptico Deezer / Spotify
** On a beaucoup aimé :
RJD2 - The Fun Ones USA Funk, Soul, Jazz, Hip-Hop Lien vers la chronique Le producteur américain RJD2, venu du hip-hop, a ici réalisé cet album comme une mixtape narrative de funk, dont le but est de vous forcer à imaginer un film duquel elle serait la BO. Et comme le titre l'indique, il a trié dans ces longues sessions les morceaux les plus fun, et les a sélectionnés pour ce très bon projet. Funk à l'ancienne, avec un son rutilant, des grooves vintage et quelques hommages bien vus à Stax et aux BO de Curtis Mayfield en début d'album, à Marvin Gaye, mais également quelques détours psychédéliques et hip-hop : tout est réussi. Un superbe projet, de bout en bout. Mes morceaux préférés : les quatre premiers, All I'm After Bandcamp, Deezer, Spotify
Mush - 3D Routine Post-Punk, Rock, Pop Un bon disque du genre, entre Television, les Talking Heads, et Devo principalement, avec un peu de Gang Of Four et de X de temps en temps, les rapprochant également des plus récents Omni, Ought ou Deeper dont on a parlé le mois dernier. Spotify
Pokey Lafarge - Rock Bottom Rhapsody USARythm'n'Blues, Pop, Soul, Country, Folk, Blues, Ragtime, Rockabilly, Music Hall, Jazz vocal, Doo Wop, Rock'n'roll Revisitant les genres musicaux fondateurs de la musique américaine, en remontant assez loin, avec le lustre des studios modernes, Pokey Lafarge arrive à un résultat plus convainquant que le dernier Black Keys qui tentait un peu la même chose. On a parfois l'impression, de par ce décalage son/style, de versions de comédie musicale un peu proprettes de ces styles poussiéreux, à la croisée de la soul, du blues, du rythm'n'blues et de la folk music. Mais ces anachronismes et cette obsession vintage réussissent à charmer comme les premiers Keys ou un bon épisode de Peaky Blinders, dans laquelle on verrait bien ces morceaux. Manque peut-être une petite étincelle en plus sur certains morceaux, ou un point de vue plus moderne sur son sujet, à la Kevin Morby ou Woods, mais ces histoires de loser qui touchent le fond et pactisent avec le diable sonnent quand même drôlement bien. Mes morceaux préférés : End of my Rope, Fuck Me Up, Bluebird, Lucky Sometimes, Carry On Spotify
*On a aimé :
Yves Tumor - Heaven To A Tortured Mind Pop, Electronique, Rock, Rock Indé, Pop Indé, Soul/Funk, Rnb, Hip-Hop, Jazz J'adore "Gospel For A New Century", cette chanson est géniale tout court, avec sa basse groovy, son énergie rock et ses samples hip-hop, c'est vraiment un grand moment. Du coup, je m'attendais à tomber sous le charme de ce disque, mais je dois reconnaître que le chant, et certains aspects de la prod, me rappellent un pan du rock des années 2000 qui ne me plaisent pas des masses, et ces sonorités me gâchent les pourtant bonnes chansons présentes ici. Mais je vous encourage vivement à passer outre ma subjectivité et à tester ce disque objectivement bluffant, car Yves Tumor, signé chez Warp, a beaucoup de talent. Mes morceaux préférés : Gospel For A New Century, Kerosene!, Romanticist Spotify
Serengeti & Kenny Segal - Ajai Hip-Hop, Boom Bap Un très bon disque de rap aux prods majoritairement old school, assez libres, presque jazz dans les flows qui tiennent parfois de Gil Scott-Heron. Mon morceau préféré :Summary Spotify
Tara King Th - Mathematique Synthpop, Pop, Sunshine/Baroque Pop, Rock Entre Jacno, François de Roubaix, Jean-Jacques Perrey, Beach House, coldwave/krautrocket sunshine popcalifornienne, cette succession de pop songs synthétiques et acidulées est un régal. Mes morceaux préférés : Response to the Digital Shades, Shut Up Baby, Parallel, Sonate Electronique, Melodica Arithmetica
ADULT. - Perception is/as/of Deception Electroclash, Indus, Post-Punk, Synthpop, Coldwave, Electronique Un bon disque de punk à synthé, bien froid, bien violent comme il faut. Mes morceaux préférés : We Look Between Each Other, Second Nature Spotify
Ricky Hollywood - Le Sens du Sens
France Electro-Pop, Pop Un bel album, plus mélancolique et organique que ce à quoi je m'attendais, sur lequel Ricky Hollywood poursuit son chemin unique et tendre, entre Christophe, Katerine, Michel Berger, Sébastien Tellier... Mes morceaux préférés : Le Sens Du Sens, Dispo, Single, Le Choix Spotify
X - Alphabetland USA Rock, Punk Un sacré retour (après 35 ans!) pour les légendes du punk, plutôt en forme ici, même si la voix d'Exene Cervenka a beaucoup mieux vieilli que celle de son partenaire. Un peu pataud façon retour des Pixies lorsque ce dernier est mis en avant, lorsque c'est elle qui tient le devant de la scène, surtout sur les morceaux plus punk, ça envoie comme à l'époque (et mention spéciale à l'étonnant blues à piano final). Bandcamp
Westside Gunn - Pray For Paris USA Hip-Hop Là encore, des prods plutôt à l'ancienne, lo-fi, et des flows acérés, avec juste ce qu'il faut de modernité et de punk pour revitaliser le truc, et des invités de marque. Bon par contre faut arrêter avec le "popopopopo" les gimmicks à la limite du meme c'est marrant sur twitter ou insta mais c'est chiant dans les morceaux. Mes morceaux préférés :327, Allah Sent Me Spotify
Ropoporose - Dark Star Bande Originale, Rock, Psychédélisme, Electro-Rock En réimaginant la BO de Dark Starde Carpenter, les Ropoporose ont touché juste, entre terreur synthétique, classicisme classe et rock psychédélique noir et parfois noisy à la Sonic Youth.
Autres sorties à découvrir :
Takeleave - Belonging (Jazz, Funk, Electronique, Soul - Spotify) Chassol - Ludi (Pop, Jazz, Electro, Classique Contemporain - Spotify) NNAMDÏ - Brat (Pop, Electronique, Hip-Hop, Rock, Rnb - Spotify) S.Pri Noir - Etat d'Esprit (Rap fr - Spotify) 22Gz - Growth & Development (Hip-Hop, Drill - Spotify) Boldy James & the Alchemist - The Price of Tea (Hip-Hop - Spotify) dvsn - A Muse In Her Feelings (Pop, Rnb, Hip-Hop, Dancehall - Spotify) Orkestra Mendoza - Curandero (Cumbia, Pop, Electro - Spotify) Hamilton Leithauser - The Loves Of Your Life (Pop/Rock - Spotify) Cocorosie - Put The Shine On (Pop - Spotify) Jackie Lynn - Jacqueline (Pop, Synthpop, Disco/Funk, Rock - Spotify) Lido Pimienta - Miss Colombia(Pop - Spotify) EOB - Earth (Pop, Rock, Electronique - Spotify)
BILAN EPs :
*** On a adoré :
Kali Uchis - To Feel Alive EP USA, Colombie Pop, Rnb, Nu-Soul, Electro-Pop, Hip-Hop Un EP de pop et de rnb, plutôt délicat et sensuel. La production est fraîche, légère et évidente, comme un de ces doux moment de flottement, à la limite du rêve, induits par la chaleur estivale. Très bon, comme d'habitude avec Kali Uchis. Mes morceaux préférés :honey baby (spoiled!), angel Spotify
* On a aimé :
Duck Feelings - Rhymes + Ghosts (Rock, Pop - Bandcamp) Duck Feelings - Undone (Rock, Pop Bandcamp)