Les aventures musicales de deux potes

Les aventures musicales de deux potes

samedi 31 mars 2018

Bishop Nehru - Elevators : Act I & II (2018)


  Le très jeune Bishop Nehru (21 ans), protégé du producteur vétéran MF DOOM, a voulu avec ce disque rap sortir un -je cite- "Pet Sounds hip-hop", faisant référence au chef-d'oeuvre de pop baroque, créative et délicate des Beach Boys. Et honnêtement, même si ça n'est pas du même niveau encore, les instrumentaux sont d'une vraie subtilité, avec une section vents complète sur "Driftin'", très bon morceau sur lequel Nehru pose un flow quelque part entre le néo-boom bap de Joey Bada$$ et le rap plus libre de Tyler, The Creator. On doit cette très bonne production à Kaytranada, qui a mis en musique la première moitié de l'album (l'"Act I : Ascension"), tandis que MF DOOM s'est chargé de la seconde ("Act II : Free Falling"). Ces deux parties, clairement annoncées et délimitées à l'écoute par un thème de synthé les reliant (faisant penser à une BO de Zelda d'ailleurs), se fondent plutôt bien l'une dans l'autre sans qu'on y perde en cohérence musicale. Ceci, grâce aux flows de Bishop ainsi qu'aux prods qui sont étonnamment old school pour un Kaytranada qu'on connait plus futuriste avec d'autres artistes ("No Idea", très bonne également).

Bishop Nehru & Kaytranada - Driftin' (2018)

  Concernant cette première partie, de nombreuses petites trouvailles sonores, comme la guitare et le piano de "The Game Of Life", viennent enrichir un son certes minimaliste mais détaillé. Les cocottes funky de "Get Away" satisferont les amateurs des Neptunes, et permettent de mettre en parallèle le travail de Bishop Nehru et ceux d'artistes comme Rejjie Snow, ayant mixé une électro-pop dansante à un rap funky et groovy sur Dear Annie cette année, ainsi qu'à la collaboration entre Gorillaz (dont l'album de 2017 se voulait très funky), et Vince Staples dont il emprunte un peu le flow ici. Seule "Up, up & Away" déçoit un peu dans cet acte 1, tournant en rond malgré un refrain rnb des plutôt bons Lion Babe et quelques bonnes idées musicales (les cordes pendant les refrains, les soli de guitare et claviers). 

Bishop Nehru & Kaytranada - Get Away (2018)

  L'acte 2, géré par MF Doom, est un poil plus old school, avec de bonnes basses 70's serpentant dans des instrumentaux psychédéliques ("Taserz.") ou psyché-funk (superbe "Potassium", grandiose "Rollercoasting", très cinématographique, presque Curtis Mayfield). Sur la superbe "Again & Again" des sons électroniques de cette époque bénie où la musique concrète (Pierre Henry...) rencontrait le psychédélisme (Fifty Foot Hose, The United States Of America...) et les premiers génies du synthé (Jean-Jacques Perrey, François de Roubaix...). Ce morceau rend vraiment hommage à l'ambition folle de l'album. Enfin, "Rooftops" convoque grâce à ses cuivres toute la Great Black Music, de Duke Elligton à J Dilla en passant par Stevie Wonder et James Brown. Si j'avais à choisir, j'ai une légère préférence pour cette seconde partie d'album, certes plus attendue, dans un style classique pour du MF DOOM, mais absolument impeccable de bout en bout.

Bishop Nehru & MF Doom - Rooftops (Clip, 2018)

  Bref, même si ça n'est pas le Pet Sounds du rap, cet Elevators : Act I & II est une vraie bonne claque, un excellent album de hip-hop, grâce aux productions des deux génies qui l'ont composé, mais aussi grâce à Bishop Nehru qui tient solidement sa baraque, avec dextérité, même s'il ne brille pas particulièrement techniquement. Très bon disque, inattendu à ce niveau-là de qualité même si l'artiste avait déjà prouvé sa valeur sur ses précédentes sorties. 


Alex

jeudi 29 mars 2018

Gwenno - Le Kov (2018)


  Gwenno est une artiste pop, connue pour avoir été la chanteuse du girls group The Pipettes. Et on en avait parlé ici, la particularité de ce disque, c'est qu'il est uniquement chanté en gallois et en cornique ou cornish en VO (langue de la Cornouailles), les langues qu'elle entendait durant toute son enfance. 

  L'autre particularité, c'est que c'est très beau. Sa musique fait souvent penser aux pops psychédélique et baroque des 60's, ainsi qu'à la variété orchestrale de Lee Hazlewood ou Scott Walker par exemple, mais revue au travers d'un filtre moderne, avec des ajouts synthétiques voire électroniques, un peu comme Stereolab, Portishead, Broadcast, Air, presque dream pop 90's-2000's, ou plus récemment Tame Impala, Sébastien Tellier ou The Last Shadow Puppets. Ainsi, la délicate "Hi a Skoellyas Liv a Dhagrow" commence doucement, portée par un piano fragile et par la voix délicate de Gwenno, et décolle grâce à de somptueux arrangements orchestraux soutenus par une rythmique intense. Le single "Tir Ha Mor" est excellent grâce à un juste dosage entre rythmique entêtante, mélodie mémorable et un vrai sens de l'espace audible dans les arrangements. Ce travail mélodique néo-60's, réminiscent des Pipettes, s'entend aussi sur "Eus Keus", mais comme distordu à travers une production aquatique que ne renieraient pas nos chouchous les Soft Hair.

Gwenno - Tir Ha Mor (Clip, 2018)

  L'album se permet même des respirations planantes comme "Herdhya", qui évoque une Björk qui aurait encore les pieds sur terre. "Jynn-amontya" est presque un slow psychédélique, faisant preuve d'une habile utilisation des dissonances, tandis que "Den Heb Taves" émeut avec un piano martelé comme chez Harry Nilsson.

  Musicalement, l'auditeur est gâté : c'est riche, c'est varié, c'est fait avec goût et subtilité. On entend même un boogie bluesy en trame de fond de "Daromes y'n Howl", chose peu habituelle dans la frange de la pop contemporaine ne faisant pas ouvertement dans le revival. Difficile de classer un morceau comme "Aremorika", même en évoquant sa filiation avec Air -surtout l'album Talkie Walkie qui a également beaucoup influencé Tame Impala- on est loin d'avoir fait le tour de ce grandiose morceau. D'ailleurs, ce morceau, ainsi que le mystérieux et très européen "Hunros", apportent un charme fou à la fin de l'album, clôt avec grâce par le délicat "Koweth Ker".

Gwenno - Eus Keus (Clip, 2018)

  C'est donc un album de pop légère, gracieuse et profonde que je vous recommande aujourd'hui, n'hésitez pas trop c'est du tout bon.

A écouter sur Deezer ou Spotify

Alex


mardi 27 mars 2018

Of Montreal - White Is Relic / Irrealis Mood (2018)


  Partagé entre une relation amoureuse euphorisante (après son divorce abordé à longueurs de métaphores sur les précédents albums), et un contexte politique américain déprimant (alt-right, suprématisme blanc, religiosité exacerbée, homophobie/transphobie, capitalisme inhumain), Kevin Barnes, leader d'Of Montreal, a abouti à un album à double face, symbolisé par le double titre accordé au projet ainsi qu'à chaque chanson qui le compose. Pour mettre ça en musique, il part des bases électroniques décomplexées du précédent (et très bon) album Innocence Reaches (parmi mes préférés de 2017), et l'enrichit de cette culture "extended mix" tout droit venue des 80's, consistant à étirer un morceau pour faire danser les gens plus longtemps, aboutissant au passage à de fabuleuses expérimentations sonores. 

Of Montreal - Soft Music / Juno Portraits Of The Jovian Sky (2018)


  On pense aussi à la noirceur assez rock et directe de Paralytic Stalks (2012) - à réhabiliter d'urgence au passage, mais je m'y collerai sûrement - dès "Soft Music / Juno Portraits Of The Jovian Sky", génial morceau d'ouverture à la fois mélodique, funky, grave et foisonnant de détails saisissants. Les deux singles sortis en avance annonçaient de toutes façon un album très réussi, avec d'abord le dansant et fou "Paranoiac Intervals / Body Dysmorphia", qui aurait pu très bien se glisser parmi les dingueries électro-rock de Hissing Fauna... Are You The Destroyer ? (2007) ou Skeletal Lamping (2008), avec ce petit côté too much de l'électronique renvoyant à Innocence Reaches en plus. Un morceau très pop, très fun, absolument délicieux. Le plus labyrinthique "Plateau Phase / No Careerism No Corruption" est parfois tout aussi frappant et fera sûrement danser en live (en empruntant quelques éléments à la production trap), mais il se permet quelques détours plus aériens et expérimentaux. Il rappelle aussi le Prince joueur d'Hit & Run Phase 1, abusant d'une électro kitschouille ou vraiment too much mais aboutissant à un résultat plus que réussi - et là encore sous estimé selon moi.

Of Montreal - Paranoiac Intervals/Body Dysmorphia (Clip, 2018)


  D'ailleurs, on se rend compte que ce l'influence 80's est davantage conceptuelle que dans le pastiche, le son ne sonne en rien néo-80's, la musique reste dans cet inimitable son Of Montreal. On entend à peine une rythmique RetroWave au début de "Writing The Circles / Orgone Tropics" qui par ailleurs est bien trop curieuse et expérimentale pour être cataloguée dans ce genre souvent plaisant mais ô combien limité. Au passage, ce morceau est une véritable épopée d'un peu plus de 6 minutes, avec un départ prenant et une fin en crescendo absolument géniale, grâce notamment à un solo de saxo. Au rayon néo-électrofunk, les guitares, la basse slappée et les synthés baveux de "Sophie Calle Private Game / Every Person Is A Pussy, Every Pussy Is A Star !" font notre bonheur, avec là encore quelques judicieuses interventions de cuivres et des passages plus aérés donnant un rythme très fluide au morceau et à l'album en général.

Of Montreal - Plateau Phase / No Careerism No Corruption (2018)


  "If You Talk To Sybol / Hotility Voyeur" commence très synthétique et finit quasiment jazz. Disons, influencée par le jazz à la manière pudique et très personnelle dont Barnes avait épicé Paralytic Stalks de son obsession de l'époque pour le compositeur multi-facettes Igor Stravinsky. Ce morceau clôt ainsi l'album d'une manière assez parfaite.

  D'ailleurs ce White Is Relic / Irrealis Mood est assez impeccable et prouve que le retour en forme d'Innocence Reaches n'était pas que passager. Il s'inscrit immédiatement comme un des plus réussis d'une oeuvre singulière, celle d'un cerveau génial et un peu fou, un peu culte pour nous, et qu'on a toujours autant de plaisir à écouter sur LPAE. Longue vie à Of Montreal !


Alex


dimanche 25 mars 2018

Halo Maud - Du Pouvoir EP (2018)


  On découvert Halo Maud en 1ère partie de Baxter Dury à Nantes, et c'était vraiment un superbe live. Du coup, je me suis précipité sur internet pour écouter ce qu'elle faisait (vous imaginez bien que c'est un peu hyberbolique, je suis juste allé me coucher en rentrant du concert hein). Et je suis tombé sur cet EP, Du Pouvoir, ressorti en cette année 2018 à partir d'une première version parue l'an dernier, et dont certains morceaux datent de 2015. EP dans lequel je me suis vite retrouvé, étant donné qu'elle et son groupe nous en avaient joué plusieurs morceaux. D'ailleurs, elle, c'est Maud Nadal. Amie de longue date de la Melody de Melody's Echo Chamber, elles ont collaboré toutes les deux sur les projets de l'une et de l'autre, ainsi qu'avec d'autres éminents membres de ce petit cercle (dont Moodoïd). Musicalement, on pense évidemment à la galaxie Tame Impala à laquelle ont peut rattacher ces deux derniers groupes, ainsi qu'à des artistes comme Barbagallo, avec lequel elle partage un certain soutien du très bon et pointu "collectif" La Souterraine


Halo Maud - Du Pouvoir (Clip, 2017)

  Et de manière plus large, on navigue entre pop française moderne (François & The Atlas Mountains, Petit Fantôme...) et pop indé au sens large, du néo-psychédélisme au shoegaze en passant par l'électro-pop. On pensera également à Jane Birkin en entendant le chant de "Du Pouvoir/Power", magnifique pop song fragile et intense à la fois, chantée en français et en anglais. Cette intensité, on la retrouve sur la prenante "Baptism" et son mantra obsédant et inquiétant "what happened after ? / I don't remember". D'un point de vue arrangements et production, Maud met en valeur ses mélodies en les enrobant de nombreuses couches mais en les laissant apparente, trouvant un équilibre délicat et très plaisant entre ligne claire et mille feuille pop. 


Halo Maud - Baptism (Clip, 2017)


  Son "minimalisme expansif" trouve sa plus belle expression dans la belle "A la fin", alternant entre une ligne mélodique sur le fil, à nu, et de petites explosions rock. Sur ce morceau, ainsi que sur "Dans la nuit", elle explore également une direction un peu plus synthétique très intrigante et plus qu'intéressante, évoquant là encore le versant le plus électro-pop de Melody's Echo Chamber, façon "Quand Vas-Tu Rentrer ?".


Halo Maud - A La Fin (Clip, 2015)

  C'est vraiment un superbe EP, qui donne envie d'en entendre davantage de sa part. Et en plus, c'est encore meilleur en live que sur disque.

A écouter sur Spotify ou Deezer ou son Bandcamp


Alex



  

vendredi 23 mars 2018

Nubya Garcia - When We Are EP (2018)


  Nubya Garcia est une jeune et talentueuse saxophoniste britannique, et son jazz est aussi cérébral (elle peut partir dans des excursions free façon John Coltrane) que physique (elle a un goût prononcé pour faire danser son jazz en y incorporant des influences latines et créoles). On a d'ailleurs tous les deux adoré Nubya's 5ive, son album de l'an dernier, au point de le placer dans nos tops respectifs (ici et ). 

  Mais Ms Garcia est aussi DJ. Et elle a voulu incorporer cet esprit électronique, festif, dans sa musique, et elle l'a fait d'une manière surprenante. Plutôt que d'y ramener les machines, elle a juste pris le tempo, l'a assaisonné de hip-hop, et ça a donné "When We Are". Accompagné d'une basse pulsatile, d'un piano tantôt doux, tantôt sautillant, son saxophone danse autour du beat et nous entraîne dans une danse très classe (presque un côté jazz new-yorkais, des accents free), mais néanmoins très sensuelle et frénétique. C'est assez incroyable comme ça groove, et comme c'est -à mes oreilles en tous cas- incroyablement accessible. Le genre de miracles jazz pouvant amener des non-amateurs du genre à s'y intéresser (enfin j'espère). 

  Le deuxième morceau, "Source", accentue un peu les aspects soul-jazz et jazz-rock perçus à l'écoute de son bouillonnant prédécesseur, avec un petit côté psychédélique et surréaliste quasiment Soft Machine par moments. Un autre très bon morceau. Pour conclure cet EP, deux producteurs électroniques ont remixé ces deux merveilles : K15 pour la première, revue façon chill, et Maxwell Owin' pour la deuxième. Plutôt sympathiques, ces remixes n'apportent pas non plus grand chose aux originaux, si ce n'est dans la thématique d'exploration de l'électronique promise par l'EP. Mais ils sont très agréables et plutôt recherchés, surtout le 2e qui décolle bien lors de sa deuxième moitié. 

  Bref, rien que pour les deux morceaux originaux de Nubya, il vous faut écouter cet EP de toute urgence, alors foncez. 


Alex

mercredi 21 mars 2018

Three 6 Mafia - Side 2 Side (2005) & Rae Sremmurd ft Juicy J - Powerglide (2018)

Three 6 Mafia - Side 2 Side (2005)

  Three Six Mafia est un groupe de hip-hop originaire de Memphis organisé autour du trio fondateur : Juicy J, DJ Paul & Lord Infamous. Le groupe, très influent et créatif, sera un des pionniers du crunk, genre de rap sudiste malheureusement souvent souillé par des suiveurs sans talents (notamment en France). Mais comme vous pouvez l'entendre sur ce "Side 2 Side" de 2005, c'est la créativité qui prime dans les flow de rappeurs aux timbres complémentaires et dans l'instru riche et fluide. C'est du tout bon. 

  C'est le talentueux Mike WiLL Made-It a décidé de se servir de la base de ce morceau pour construire "Powerglide", le single rouleau compresseur du duo Rae Sremmurd. Le producteur a d'ailleurs annoncé que, façon Outkast, les deux membres du groupe allaient sortir un triple album avec un CD commun (dont "Powerglide" est le single), un solo pour Swae Lee (le chanteur) et un pour Slim Jxmmi (le rappeur). Modernisant et boostant la prod, injectant le charisme incroyable des deux Rae Sremmurd, et ajoutant un couplet de Juicy J (parce qu'on est dans l'hommage assumé et pas dans le plagiat ici), il ne fallait pas grand chose de plus à cette dream team pour faire de ce morceau un putain de gros tube. A écouter absolument. 

Rae Sremmurd, Mike WiLL Made-It & Juicy J - Powerglide (2018)

Alex


lundi 19 mars 2018

Live Report ! Juliette Armanet à Stéréolux (Nantes, 13/03/2018)

Juliette Armanet - Stéréolux, Nantes, 13/03/2017

  Après un très bon album qui tourne beaucoup à la maison (et qui fait partie des belles réussites récentes en pop francophone), on avait hâte d'aller voir Juliette Armanet en vrai, en amoureux, dans notre salle préférée. Mais d'abord, on a vu son batteur en première partie, j'ai nommé le déglingué et attachant Ricky Hollywood.

Ricky Hollywood - Stéréolux, Nantes, 13/03/2017

  Quelque part entre la poésie tendre et absurde de Philippe Katerine, l'électro autotunée de Chaton, le rock indé de Petit Fantôme et l'intensité de Christophe, Ricky a eu les couilles de se présenter seul sur scène. Accompagné d'un ordi portable, il déclenchait des boucles et jouait des percus tout en chantant. Si au début c'est assez perturbant, son show se révèle vite être très prenant, lui-même étant très marrant, très à l'aise avec le public, communiquant bien malgré son côté timide apparent et surjouant avec humour son rôle de musicien et de pitre décalé, que ce soit dans le look ou les attitudes. Et puis surtout il a de bonnes chansons qui s'incrustent vite en tête et qu'on a envie de chanter avec lui, même lorsqu'on ne les connaissait pas d'avance, comme "L'amour peut-être", "tu adores cette chanson", ou "salut je ne te reconnais pas". Mais ces chansons prennent réellement une autre dimension en live, avec le jeu de scène et surtout l'utilisation expressive, abusive et originale de l'autotune. Je vous recommande d'écouter ça ci-dessous. En tous cas on a adoré, on a réécouté Ricky depuis (j'en connaissais certaines découvertes sur Spotify que j'avais un peu oublié depuis). C'était très personnel, très bien exécuté, marrant, très bon musicalement, le haut du panier des premières parties réussies. 


Ricky Hollywood - L'amour peut-être (Live 2013)

  Et à l'image de cette première partie réussie, c'est un superbe concert que nous a offert Juliette Armanet. D'une élégance et d'une classe intimidantes, elle a ce côté show-woman vraiment impressionnant de maîtrise. Dans un décor kitsch et classe, comme sa musique, avec un groupe de musiciens eux aussi vraiment excellentissimes, elle a fait preuve d'un talent incroyable au piano et vocalement. Étirant les morceaux, y plaçant des soli de synthé et de guitare impeccables, le groupe avait une envergure internationale, le ton d'un professionnalisme total étant donné par le choix des musiques passées avant le concert, ces influences formant presque une profession de foi de la perfection: Stevie Wonder, Prince, Michael Jackson, Etienne Daho.

Juliette Armanet - Stéréolux, Nantes, 13/03/2017

  Armanet en live est très drôle, pleine de répartie, cherche à faire participer le public et donne d'elle-même à 100% à chaque morceau, en dansant, en chantant, en jouant des clavier ou en jouant avec le public, alternant les ambiances et les émotions. D'ailleurs, ces excellents morceaux sont magnifiés par le traitement du live, et ça me permet de dire que je n'ai jamais entendu un aussi bon son dans un concert. On entendait tous les instruments avec une précision digne d'un enregistrement studio 70's, la puissance du live en plus. Ça collait très bien avec sa musique elle-même très référencée mais ayant une distance intéressante avec ses influences, une forte personnalité, et jouant avec le kitsch et les décalages pour faire passer des émotions variées d'une manière assez post-moderne et très intéressante.

Juliette Armanet - Stéréolux, Nantes, 13/03/2017

  Si vous avez l'occasion de la voir en vrai, n'hésitez pas trop, son live est vraiment prenant, impérial, sensible, sensuel, subtil. Alors foncez !

Alex


samedi 17 mars 2018

Live Report ! Baxter Dury à Stéréolux (Nantes, 05/03/2018)

Baxter Dury à Stéréolux (Nantes, 05/03/2018)

  On a de la chance dans notre petite salle préférée, on arrive toujours à avoir une place à 2m de la scène, et la première partie est souvent excellente. Pour Baxter Dury, c'était Halo Maud, alias de Maud Nadal, clavier pour Melody's Echo Chamber ou Moodoïd, désormais en solo. Enfin, ici en groupe, avec un bassiste à fond dans son rôle, un clavier facétieux habile en bidouillages géniaux et un batteur tout simplement impressionnant de talent pur et de sensibilité. Elle joue une pop psychédélique façon Tame Impala ou Melody's Echo Chamber justement, souvent chantée en français, parfois en anglais, avec des rythmes agiles et une affinité pour l'électronique la rapprochant de François & The Atlas Mountains ou Petit Fantôme. C'était vraiment très bien, je vous recommande de découvrir sa musique, en commençant par exemple par "A La Fin", "Dans la Nuit", "Des Bras" ou "Du Pouvoir".

Halo Maud à Stéréolux (Nantes, 05/03/2018)

  Quand à Baxter Dury, il était impérial. Facétieux, showman absurde à l'anglaise mais avec un vrai respect du public, se donnant à fond à chaque chanson. Il a joué quasiment tout Happy Soup (2011) ainsi que son dernier album The Prince Of Tears (2017) ainsi que des morceaux choisis de It's A Pleasure (2014) et Floor Show (2005), notamment "Cocaine Man" (mais pas "Francesca's Party", sniff). Accompagné d'un groupe de musiciens hyper doués, de choeurs féminins divins, il a fait ressortir le groove funky et l'énergie pub rock quasi punk de ses morceaux, servant souvent d’exutoire à un artiste qui semble vivre ses chansons par ailleurs très personnelles. 

Baxter Dury à Stéréolux (Nantes, 05/03/2018)

  Il finira une chanson très émouvante de son dernier album, portant sur son récent divorce, par un trait d'humour british, désamorçant la gravité du morceau en balançant un "I'm looking for a wife" au public. Au rappel, c'est en peignoir de boxeur rouge, avec "The Prince Of Tears" brodé au dos, qu'il se présentera à nous.

Baxter Dury à Stéréolux (Nantes, 05/03/2018)

  Un concert énergique, émouvant, vécu à 100% et mené à toute allure (aidé en cela par la concision des morceaux), avec un côté authentiquement british très agréable, autant dans la musique que l'attitude (le côté pub-rock et punk, les accents ska, l'accent prononcé, le flegme). En un mot : génial !

Alex


jeudi 15 mars 2018

L'Impératrice - Matahari (2018)


  C'est Etienne qui m'avait fait écouter L'Impératrice pour la première fois, il y a quelques années, dès leurs débuts en 2012. Il est fort, il a l'oreille pour ce genre de choses. Noyé dans une actualité musicale dense, ou faute de temps, j'oublie quelque peu le groupe avec le temps. Plus tard, c'est ma chérie qui me fait réécouter leurs morceaux. Et j'accroche bien. Le temps passe, de plus en plus de monde autour de moi en parle, des gens très branchés musique mais pas seulement. On sent que des tubes comme "Vanille Fraise" ont vraiment bien pris dans le pays. Et qu'il se passe quelque chose autour de l'Impératrice, un peu comme avec La Femme en 2013. C'est ce que cet album est venu confirmer. Tant mieux pour le talentueux collectif, sa sortie (sur le label microqlima) est remarquée, précédée et suivie par une tournée qui provoque une vraie effervescence (on a hâte de les voir en live bientôt !).

L'Impératrice - Erreur 404 (Clip, 2018)

  Car l'album vaut le coup. Le groupe, composé de 6 musiciens très talentueux, mélange avec avidité l'organique et l'électronique, et leur maîtrise instrumentale se met au service de compositions solides aux arrangements sophistiqués, grâce aussi à la réalisation de Renaud Létang (Connan Mockasin, Gonzales...) au sein des mythiques studios Ferber, ayant notamment abrité les séances de plusieurs chef-d'oeuvres de Christophe. On sent d'ailleurs une vraie influence française tout au long du disque, que ce soit la French Touch de Daft Punk, Cassius, Air, Sébastien Tellier, SebastiAn, ou la variété post-yéyé disco ou non dans son versant le plus mainstream (Nino Ferrer, Michel Berger, Alain Chamfort...) comme dans son versant plus obscur, psychédélique et électronique (Cortex...). Autres influences avancées par le groupe : les grands compositeurs et arrangeurs français des années 70 (Michel Legrand, François De Roubaix) et quelques-uns des plus ambitieux artistes du hip-hop et de la pop actuelle comme Kendrick Lamar, Tyler The Creator et Frank Ocean.

L'Impératrice - Là-Haut (2018)

  Entre rêveries funky enchanteresses ("Là-Haut", "Balade Fantôme" aux accents gainsbourgiens), néo-French Touch dansante et espiègle ("Erreur 404", "Dreaming Of You", "Entre-deux"), disco-funk assumé ("Matahari", l'odyssée disco quasi-prog de "Matahari (Le retour)" aussi ambitieuse que du David Shire), et chanson française néo-80's pas si loin de Juliette Armanet ("Paris", "Vacances", "Masques", Starlight). Dans tous les cas, c'est un bonheur brut, de bout en bout, renouvelé à chaque écoute, qui ramène avec elle la découverte de nouveaux éléments composant cette musique décidément riche.

L'Impératrice & Isaac Delusion - Dreaming Of You (2018)

  En résumé, c'est un superbe album de pop française, mêlant sonorités organiques et électroniques pour composer un disco-funk psychédélique parfois rêveuse, parfois carrément dansante. Que je vous recommande.


L'Impératrice - Paris (2018)


Alex


mardi 13 mars 2018

ARTHUR - Julie Returns EP (2018)


  Après l'avoir découvert avec un superbe et bluffant EP, Challenger, l'an dernier (d'ailleurs n°3 de mon Top EPs 2017), c'est avec plaisir que je retrouve ARTHUR pour un autre court EP, sorti sur le label londonien PLZ Make It Ruins. Ce roi de la concision (en général ses morceaux durent 1min30), nous offre ici deux morceaux. D'abord, la pop psychédélique post-chillwave de "Julie Returns" a un riche background malgré sa courte durée : de petits échos de Homeshake, des sons de jeux vidéos et un côté vielle BO de film un peu mystérieuse des années 60, entre classique contemporain et jazz. Vous ajoutez un côté enfantin façon maison hantée, des sons subaquatiques, plus quelques synthés façon BO de Zelda, et vous obtiendrez l'instrumental "Saved In". Et vous aurez fini l'EP.

  Et quoi de mieux pour rendre hommage à ce maître de la concision que de finir la chronique là-dessus ?

ou Youtube, mais du coup vous avez "Julie Returns" uniquement

Alex

dimanche 11 mars 2018

Haley Heynderickx - I Need To Start A Garden (2018)


  Haley Heynderickx est une américaine, d'origine philippine, qui fait de la folk à tendance pop, on va dire. Ce qui est sûr, c'est que c'est difficile de parler d'un album aussi beau. C'est poignant comme For Emma, Forever Ago (2008) de Bon Iver (cf "Show You A Body"), c'est riche, pur et personnel (le chant et le jeu de guitare sont vraiment uniques) comme du Joni Mitchell. Disons qu'on peut difficilement faire plus beau.

  Pour dire quelques mots sur les chansons, "No Face" ensorcelle avec ses arpèges poignants et sa construction un peu rock indé (on pense au meilleur des Fleet Foxes), "The Bug Collector" prend aux tripes comme peu de disques le font. Je pourrais citer Barrett (1970), de Syd Barrett, pas tant pour la musique (même si ça ne serait pas idiot, le côté minimaliste aidant, et puis la pochette fait le lien), mais plutôt pour la sensation que procurent cette musique : elle me tétanise, elle me glace, tant elle est belle et triste. 

Haley Heynderickx - The Bug Collector (2018)

  "Jo" obsède comme du Radiohead et sonne réellement intemporelle, et avec ce côté Amérique du fond des âges elle aurait pu être jouée telle qu'elle depuis quelques siècles. Tout comme "Untitled God Song", qui me permet de mettre en valeur , outre la musique pure et désarmante de beauté, l'interprétation vocale d'une classe et d'une émotion infinies, les textes géniaux de ce disques. Dans le même style, avec un petit côté Pixies, "Worth It" enchante aussi. Côté référence, c'est au Velvet Underground et à Courtney Barnett qu'on pense sur l'excellente "Oom Sha La La", elle aussi impossible à dater.

Haley Heynderickx - Oom Sha La La (Clip, 2018)

  "Drinking Song" conclut avec beauté et douceur cet album magnifique, qui est le disque le plus poignant que j'aie entendu depuis très longtemps, dans un genre difficile à maîtriser tant il faut justement en doser tous les éléments et y instiller une émotion vraie. Une réussite totale.

Pour aller plus loin : live de "Oom Sha La La" et "Drinking Song"


Alex


vendredi 9 mars 2018

EPs 2018 : Lomboy & Crayon



Lomboy - Warped Caress (2018)


  L'autrichienne, après nous avoir régalé l'an dernier d'un superbe EP, South Pacific (présent dans mon Top EPs 2017), revient encore plus fort avec celui-ci, sorti chez Cracki Records

  C'est tube après tube sur cet EP. La musique s'approche d'une nu-disco langoureuse, plutôt calme mais très portée sur l'expérimentation et les arrangements, comme la pop post-trip-hop des années 90-2000 (Air, Stereolab...). C'est particulièrement audible sur "Alien Lady", délicate pop song aux arrangements classieux (flûtes, piano, guitare, synthés, basse) arrangés en collage grâce à la magie du sampling et posés sur une boîte à rythme électro/hip-hop so 90's. L'ensemble, déjà bien accrocheur en l'état, passe au statut de petite bombe lorsqu'on y ajoute le chant trafiqué de Tanja Frinta

Lomboy - Alien Lady (2018)

  C'est également un chant modifié (notamment pitché dans les graves) qui met en mouvement la ballade "Worth To You", aux arrangements orchestraux (là aussi parfois perturbés par le sampling), qui sont si délicats qu'ils évoquent la magie des BO de films d'animation japonaise du studio Ghibli. Pour le coup, sur "Love Ain't Got The Groove", ces deux éléments (modification de la voix, sampling haché) sont poussé à leur extrême. Et ça fonctionne pas mal du tout, dans un genre de pop un peu too much à la Grimes, même si le morceau est un peu moins fort. "Director's Paralysis" est un peu plus minimaliste, porté par une basse très funky sur laquelle se posent d'étranges accords, un poil dissonants, de clavier au son tropical. Le morceau est déstabilisant de par ce choix d'accords, mais il est justement intéressant pour cette raison.

  Et puis il y a "Loverboy", le single venu en éclaireur de cet EP, sorti dès l'an dernier. Une petite merveille de pop post-trip-hop également, au chant mystérieux comme du Portishead, en plus sexy, et dont le feeling funky est au service d'une écriture intemporelle, qui sonne comme un croisement entre Isaac Hayes et Lee Hazlewood. Tout cela donne un côté hors du temps, classique, et un peu cinématographique, à ce morceau qu'on imaginerait bien dans un Tarantino.

Lomboy - Loverboy (Clip, 2018)

  Vous vous en êtes rendu compte, cet EP de pop décadente est groovy, synthétique, sexy, artificiel, intelligent, expérimental, et sophistiqué à la fois. Et vous vous rendrez un grand service en allant vérifier ça par vous même grâce aux liens ci-dessous.

A écouter sur Deezer ou Spotify







Crayon - Post Blue (2018)


  Le producteur français Crayon, figure de proue du label Roche Musique, fait dans l'électro-pop chill, minimaliste, un poil groovy. Il fait surtout dans la dentelle, comme nous le prouve cet EP délicat, magnifique de bout en bout. 

  Des nappes de synthé enrobantes et des percussions discrètes sont le seul habillage des magnifiques choeurs de "Pink", avec une grosse performance vocale de Lossapardo. Qu'on retrouve, tout aussi impérial, sur la ballade rnb sensuelle et un poil nostalgique "After The Tone", superbe morceau également, avec un gros travail de production rappelant le perfectionnisme et le sens du détail de Jamie xx.

Crayon, Lossapardo - After The Tone (Clip, 2018)

  Sur le plus hip-hop/rnb "Faith", c'est avec les collaborations de Stanislas Blu et Gracy Hopkins que Crayon tresse un morceau pas très loin du Blonde de Frank Ocean, à base de rythmique réconfortante, de nappes caressantes et de guitares funky, toujours en veillant à ne pas en mettre plus que le strict nécessaire. Plus loin, "Fake" et "Home" (avec Malia Lyn) sont carrément des morceau d'électrofunk languides et sexuels façon Connan Mockasin ou LA Priest. Et "Post Blue" enfonce le clou avec sa basse énorme, avant une reprise façon remix funk-rock aquatique du "Je suis venu te dire que je m'en vais" de Serge Gainsbourg sur "I Came By To Let You Know That I'm Leaving"

Crayon, Stanislas Blue, Gracy Hopkins - Faith (Clip, 2018)

 Cet EP est un magnifique exercice de funambulisme, au long duquel Crayon s'amuse à étirer le temps ainsi que la toile fragile de ses chansons minimalistes aux textures volatiles. Le choix, merveilleux, des invités vocaux y est pour beaucoup dans la qualité de cette oeuvre dans lequel chaque son est crucial. Et puis la petite réf à Gainsbourg sur la fin de l'EP ne me laisse pas de marbre. A écouter d'urgence !

Ecouter sur Spotify ou Deezer


Alexandre

mercredi 7 mars 2018

JPEGMAFIA - Veteran (2018)


  JPEGMAFIA est un rappeur-producteur, descendant d'une lignée de rappeurs particulièrement inventifs n'en faisant qu'à leur tête et mélangeant tous les sons  qu'ils voulaient à leur hip-hop sans se soucier d'être trop peu accessible ou d'en faire trop. On pense à Ol' Dirty Bastard (samplé ici), qui sur Return To The 36 Chambers : The Dirty Version (dont la pochette est évoquée dans l'artwork) poussait plus loin l'esthétique radicale de Wu-Tang Clan, en injectant un esprit punk et des dissonances atonales quasi bruitistes dans un rap parfois granuleux, parfois très accessible. Ou plus récemment, on peut penser aux papes du rap industriel, les Death Grips, eux aussi portés sur l'électronique dissonante et les influences punk, et capables également de mélanger maelstrom noise et digressions quasi synthpop plus consensuelles. On a de tout ça sur Veteran, dont le titre évoque le fait qu'à 28 ans, il ne se sent plus comme un débutant, ainsi que son appartenance passée à l'armée.
Vous voyez la référence ?
Au-dessus : pochette alternative de Veteran, représentant un faux permis de taxi de JPEGMAFIA
Au-dessous : pochette de l'album d'ODB, représentant un faux coupon d'aide alimentaire


  L'album commence doucement avec "1539 N.Calvert", sorte de trap rêveuse et très propre, proche de la pop électronique la plus douce, à peine pervertie par des samples de voix issus de sources diverses (match de catch...), quelques glitches, puis enfin par le rap sec et affirmé de JPEGMAFIA. Pour le coup, cette magnifique piste, très douce, c'est le calme avant la tempête. Dès "Real Nega", qui sample un bruit de gorge d'Ol Dirty Bastard justement, le côté punk et industriel ressort bien, avec une rythmique agressive et des samples oppressants comme tapis pour un rap toujours rèche et assez punk. Cependant, le morceau se termine sur une note plus nostalgique, avec un sample de voix d'enfants et un son de guitare dream pop plein de reverb.

JPEGMAFIA - 1539 N.Calvert (2018)

JPEGMAFIA - Real Nega (2018)

  Sur "Thug Tears", c'est l'inverse, c'est le morceau qui est doux et autotuné, quasi-rnb, et qui est parasité par des textures IDM proches d'Autechre, des rythmiques saccadées et des flashes de rap. Par contre, pour "Baby I'm Bleeding", JPEG joue entre les limites du supportable et de l'addictif avec  une malice non feinte et un esprit rebelle en répétant et triturant ad nauseum un sample de voix ultradécoupé et en s'en servant comme d'un support pour un rap assez old school au ton revanchard. Et en plus, il en rajoute en perçant le morceau de secousses indus. Mais comme c'est hyper bien construit et qu'on est un peu maso, on en redemande. 

JPEGMAFIA - Thug Tears (2018)

JPEGMAFIA - Baby I'm Bleeding (Clip, 2018)

  Tout l'album oscille entre beauté étrange et brutalité. Côté plus "accessible", on a de l'électro-rap ("Panic Emoji") de l'Aphex Twin croisé avec le rap ("1488""DD Form 214" et son côté soul, "I Cannot Fucking Wait Until Morrissey Dies" et son autotune moqueuse), voire même un croisement entre rap et rock indé ("Macaulay Culkin") ou une prod post-trap moderne à la Travis Scott avec un côté post-punk synthétique et gothique ("Williamsburg", "Rainbow Six").

JPEGMAFIA & Yung Midpack - Rainbow Six (2018)

  D'un autre côté, on a de l'indus exigeante et brutale ("Rock N Roll Is Dead", "Whole Foods") ou moins frontale avec quelques échos trap ("Curb Stomp", ou "Libtard Anthem" qui sonne comme si Young Thug faisait un feat avec Death Grips). Avec quelques sorties de route comme l'électrofunk (on entend des échos lointains de Prince, de P-Funk, voire de Delegation) déglinguée et minimaliste de "Germs".

  L'album n'est pas évident à appréhender, il ne plaira pas à toutes les oreilles, mais c'est une vraie expérience et une putain de réussite en termes d'expérimentation. L'approche "je fais le rap du futur" était ambitieuse, mais avec le nihilisme et le rien à foutre qu'il a injecté dans ce projet, JPEGMAFIA a relevé ce défi dingue, et sorti une oeuvre sans pareil, personnelle et impressionnante tout en étant intellectuelle, viscérale voire sauvage et souvent fun. En un mot : incroyable.

Ecouter sur Spotify ou Deezer ou Bandcamp ou Youtube

Alex


lundi 5 mars 2018

Dita Von Teese & Sébastien Tellier - Dita Von Teese (2018)


  A chaque fois que mon compositeur pop français favori sort un nouveau projet, il arrive à m'étonner. Même lorsqu'il lâche ses albums solo pour faire dans la BO de films (la très réussie BO de Saint Amour), de séries (cf la merveilleuse BO d'A Girl Is A Gun, sortie l'an dernier) ou dans l'album collaboratif comme ici, je ne peux pas lui en vouloir. Retravaillant des morceaux inachevés avec un petit je ne sais quoi féminin les reliant, Sébastien Tellier a eu l'envie d'un album avec une chanteuse. La rencontre avec la danseuse burlesque Dita Von Teese, fan du musicien ayant forcé le destin en l'invitant à son spectacle, a donc donné naissance à une collaboration, d'abord une bonne reprise de "Do You Really Want To Hurt Me" de Culture Club pour un album de reprises 80's, puis à cet album.

Dita Von Teese & Sébastien Tellier - Do You Really Want To Hurt Me
(Culture Club Cover, 2017)

  Musicalement, c'est une électro-pop cheesy, volontiers kitsch, que Tellier convoque, et c'est assez tubesque sur un tube au parfum Pet Shop Boys (ces "hits" de synthé-orchestre, ces nappes, cette rythmique...) comme "Sparkling Rain" avec un refrain italo absolument inoubliable. D'ailleurs, ce refrain est une bonne occasion pour dire du bien de Dita Von Teese, elle est tout à fait compétente en chant, et son chanté-parlé lors des refrains a également son charme, et pourtant on sait que l'exercice, pouvant vite lasser si trop répétitif, est délicat. 

Dita Von Teese & Sébastien Tellier - Sparkling Rain (2018)

  Au rayon chansons impeccables, il y a aussi la tropicale "Rendez-Vous", encore meilleure si c'est possible, et que je soupçonne de provenir des mêmes inspirations que l'album brésilien de Tellier, L'Aventura (2014).

Dita Von Teese & Sébastien Tellier - Rendez-Vous (2018)

  Le côté frenchie ressort bien sur des morceaux comme "La Vie est Un Jeu", où les synthés façon François de Roubaix et une orchestration classe à la Air croisent la voix de Dita qui chante de façon fragile avec un accent anglo-saxon prononcé, ce qui ne peut qu'évoquer Jane Birkin. Une vraie merveille, là aussi faut pas avoir peur du kitsch, on a des glissades de piano proches d'une musique de Zelda, et même des sifflements de Tellier comme à l'époque de ses débuts "folk cosmique" inspirés par Robert Wyatt

  Puisqu'on est sur la lancée des chansons impeccables et tubesques, on va ajouter que "Bird Of Prey" est superbe, et sonne un peu comme une version à la cool du dernier Charlotte Gainsbourg

Dita Von Teese & Sébastien Tellier - Bird Of Prey (2018)

  Parfois le côté easy listening culcul est un poil plus audible, surtout quand la chanson est un peu moins forte comme sur "My Lips On Your Lips", qui est cependant largement rattrapée par un refrain solide. Le chanté-parlé de Dita sur "Parfum" est très sympa, le morceau également, et on n'est pas très loin d'égaler les morceaux les plus réussis de l'album même si le morceau est un peu moins profond musicalement. "Fevers And Candies" et "Saticula" tournent également un peu en rond, tandis que "Dangerous Guy" va presque un peu trop loin et casse le côté 80's chic façon Bryan Ferry en nous faisant quasiment du Madonna du début des années 2000 avec vocaux trafiqués un chouia anachroniques. Heureusement, "Porcelaine" clôt l'album avec une certaine classe, grâce au chant de Tellier et une mélodie immédiatement identifiable.

Dita Von Teese & Sébastien Tellier - Porcelaine (2018)

 C'est donc un album frais, fun et sans prise de tête, pas un indispensable de la carrière de Tellier, mais qui a néanmoins quelques sacrément bonnes chansons sous le coude, et qui est quasi parfait même si le dernier tiers du LP est un peu plus faible. Ils ne se prennent pas au sérieux, il n'y a qu'à regarder la pochette et l'artwork pour s'en convaincre, et le mélange entre ce faux-kitsch prétendument classe mais un peu ridicule dans laquelle ils plongent, et la distance ironique qu'ils ont par rapport à cette esthétique fait tout le sel de ce LP finalement très réussi, dépassant en tous cas toutes les attentes qu'on peut avoir pour une récréation de ce type.

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Alex