J'ai commencé à apprécier Mac Miller avec Swimming, son disque de 2018. Ne connaissant pas l'artiste, j'avais des a priori un peu nuls auparavant, m'étant arrêté sur sa tête de branleur et son phrasé un peu mou sur son feat avec Ariana Grande, que j'avais trouvé trop soporifique. Ce disque, pourtant, m'a fait comprendre que je me gourais complètement. Déjà, la musique était bonne, les singles accrocheurs et profonds, et surtout Mac était entouré d'une équipe de dingue autour de Thundercat, et leur funk liquide et psychédélique, teinté de nu-soul et de hip-hop, était stellaire. L'album est un quasi sans fautes.
Après ça, j'ai creusé un peu (c'est en cours, je suis loin d'avoir fini), et j'ai découvert que le gars était un sacré bon producteur ; je suis très fan de la tape de Vince Staples qu'il a composée sous le nom de Larry Fisherman. Et puis Mac Miller est mort. Overdose je crois bien. Une tragédie de plus, alors qu'il était en pleine ascension artistiquement et qu'il était sensé aller mieux ou en tous cas faire en sorte de le faire. Et là, début 2020, on annonce qu'un album est prêt, que c'est la suite de Swimming (le diptyque est nommé d'après l'expression "swimming in circles", nager en rond), et que ce Circles était déjà quasi fini avant l'OD de Mac, et que c'était l'excellent Jon Brion (compositeur de BO, ayant bossé avec Kanye West, of Montreal, Fiona Apple, Rufus Wainwright, Marianne Faithfull...), collaborateur principal de l'album, qui avait été en charge de le fignoler pendant quelques mois. Je suis peu friand d'albums posthumes, ça pue souvent le bricolage pour ramasser le max de sous et capitaliser sur un décès fatalement médiatisé, mais je dois avoué que ces quelques infos étaient plutôt rassurantes et que du coup, j'attendais pas mal ce disque, curieux de voir si c'était vraiment la nouvelle direction démarrée par le LP de 2018 qui allait se concrétiser, ou si on allait se retrouver avec des Faces B bricolées. Spoiler : c'est la première proposition qui était bonne, nous voici donc avec le digne successeur de Swimming, donc un très grand disque.
Mac Miller - Good News (Clip, 2020)
Ce qui étonne d'abord, c'est la direction. S'éloignant de ses influences rap, c'est un album de singer/songwriter. C'est frappant dès l'intro, "Circles", chantée tranquillement d'une voix écorchée, sur une instru jazz/pop lounge et mélancolique. Le texte est brut, touchant, il parle d'un mec paumé, sans direction, ayant l'impression de tourner en rond, de faire du sur-place dans sa vie, et notamment sur certains aspects qu'il voudrait pouvoir améliorer mais sur lesquels il se sent incapable de progresser. Dans la même veine, "Good News" est un morceau de folk-pop portée par un ensemble guitares acoustiques / vibraphone / batterie jouée, et fait un superbe premier single pour l'album. "Everybody" est carrément une refonte du "Everybody's Gotta Live" d'Arthur Lee(du groupe Love), et il sonne comme les Beatles d'Abbey Road ou les meilleurs Harry Nilsson, tant la production et le son sont magnifiquement polis, tandis qu'on pense au dénuement émotionnel du John Lennon / Plastic Ono Band pour l'interprétation brute et déchirante.
Mac Miller - Everybody (2020)
Quelques détours par l'électro-pop dynamisent pas mal l'album, notamment les excellentes "Complicated" (assez funky) et "Blue World" (produite par Guy Lawrence de Disclosure sur un sample doo-wop du "It's A Blue World" des Four Freshmen).
Mac Miller - Blue World (2020)
"I Can See" est plus nu-soul/rnb, on pense pas mal aux prods des Neptunes sur l'intro (notamment la rythmique), tandis que le refrain est plus soul (au passage, les choeurs sont d'Ariana Grande). Entre Pharrell , Dr Dre et Frank Ocean, "Hands" étonne et réussit sa prise de risque. Plus psychédélique, mais tout aussi rnb, la mélancolique "Woods" décrit une relation condamnée en réimaginant "Throw Some D's" par Rich Boy.
Un poil moins indispensable, "Hands Me Down", avec son refrain chanté par Baro, tombe un peu dans le mielleux, mais la direction folk-pop sobre et la qualité supérieure de "That's On Me" nous la font vite oublier, et la fin d'album est globalement réussie, avec la belle et douce ballade folk "Surf", puis la délicate pop électronique de "Once A Day", dont les vocaux ont été enregistrés sur téléphone , donnant un côté intimiste et lo-fi à l'ensemble.
Mac Miller - Complicated (2020)
Vous aurez compris à ce stade que j'ai peu de réserves sur ce disque, à la direction dépouillée assez inattendue et désarmante, et aux chansons magiques, aussi tristes que belles. C'est probablement un des meilleurs albums posthumes qui soient, le fait que tout était quasi fini avant le décès de Mac fait peu de doutes tant ces quelques morceaux sont propres, cohérents entre eux et forment un tout plus grand que la somme de ses parties. Jon Brion était le collaborateur parfait pour un projet de ce type, et il s'est surpassé ici, sublimant la vision de Miller. Pas de doute, le premier grand disque de la décennie est là.
Mes morceaux préférés : Blue World, Complicated, Everybody, Good News, I Can See...
Camel était un groupe anglais de prog formé en 1971 autour d'Andrew Latimer, guitariste mais aussi chanteur, bassiste, flûtiste, et claviériste. Après l'échec commercial de leur premier album éponyme sorti en 73, ils sortent donc ce Mirage qui va récolter les louanges des critiques et leur faire accéder au statut de grands du prog, ce qui sera confirmé par les deux albums suivants - et leurs 10 (!) successeurs - l'ambitieux et orchestral The Snow Goose (1975) et le très beau et apaisé Moonmadness (1976), aussi bon que ce Mirage dans un style plus pop, cotonneux et froid, et que j'aurais également pu aborder ici.
Après une intro synthétique façon grand spectacle, c'est une basse pulsatile, quasi post-punk avant l'heure, qui introduit des salves de guitares puis un jeu plus prog sur l'intro "Freefall", très jazz-(hard) rock dans l'esprit. Le chant est très accessibles, et les guitares mi tranchantes mi groovy ont le riche son du début des 70's, lorsque funk, folk, hard-rock, jazz et prog n'étaient pas tout à fait différenciés et séparés dans des petites cases hermétiques. J'en veux pour preuve ce clavier soul-funk qui part dans des divagations bluesy ou classiques. Mais même si les changements de rythme et les constructions mélodiques sont complexes, rien n'est sacrifié à l'accessibilité du morceau, et un fan de classic rock, de soul ou de pop pourra s'y retrouver sans problème, grâce aux petits moments de bravoure ultra pop comme le court solo de guitare à 4'30" tellement théâtral qu'il évoquerait presque Queen, mais qui est surtout magnifique (et ça vient de quelqu'un qui n'apprécie que modérément les soli en tous genre).
"Supertwister" est quant à elle une merveille de prog-pop instrumentale, drivée par une superbe flûte traversière, des claviers divins et une section rythmique toujours aussi impeccable dans les instants les plus musculeux comme dans les plus subtils.
"The White Rider" commence comme une BO de SF et plante une ambiance troublante et belle, avant qu'une rythmique martiale assortie de cuivres et d'une flûte folklorique, et appuyée de la clameur de la foule ne viennent perturber l'ambiance et introduire un motif de guitare qui n'a rien à envier à David Gilmour de Pink Floyd. Comme vous l'aurez peut-être deviné si vous êtes grand lecteur (ou si vous êtes allés au cinéma depuis l'an 2000), le texte de ce morceau tourne autour de l'oeuvre de Tolkien, le titre du morceau faisant explicitement référence à Gandalf, et son découpage en plusieurs parties : a) "Nimrodel" b) "The Procession" et c) "The White Rider" allant dans le même sens. Ce morceau est une merveille de guitare cotonneuse et mélodique, de synthés accrocheurs, de syncope prog-funk, de théâtralité hard-rock, et d'accalmies pop-folk. Un vrai festival de plus de 9' durant lequel on en prend plein les oreilles, mais sans cette sensation d'en entendre trop en même temps tant chaque élément est net, à sa juste place et précisément dosé.
"Earthrise" est sans doute mon morceau préféré ici même si j'aurais bien du mal à les départager. Son feeling mélodique pop, son tranchant rock, ses folies rythmiques jazz, et son goût pour les synthés m'évoquent le génial dernier Thundercat (notre chronique ici). Et l'ultime morceau, "Lady Fantasy" avec son intro toute en arpèges de synthé, batterie imposante et riffs hard-rock, va plutôt dans le sens des Who de Who's Next, et plus précisément de "Baba O'Riley", alors que le reste du morceau (découpé en 3 également : "Encounter", "Smiles For You", et "Lady Fantasy") alterne sur près de 13 min entre prog-folk là encore très accessible, hard-rock funky, soli prog mélodiques à l’extrême (et bouleversants), et l'album se clôt sur un bouquet final mêlant hard dramatisant, quasi glam, avec cette fameuse guitare tellement 70s appuyée par un orgue.
La version CD (et le streaming) du disque incluent une superbe version live de "Supertwister", impressionnante de qualité et de finesse, un mix alternatif de "Lady Fantasy" qui vaut l'écoute car il propose vraiment une autre version du morceau, ainsi que deux magnifiques live de morceaux non présents sur ce Mirage : "Arubaluba" et "Mystic Queen" au refrain déchirant.
Bref, un très très bon disque de prog, de rock, de pop, de ce que vous voulez en fait étant donné la richesse que leur musique embrasse (eux s'en foutaient je pense), qui ne rebutera normalement pas les amateurs de pop-rock puisque tout y est immédiatement beau, et puisque tout est au service de la chanson, que rien n'est superflu ni complexifié à outrance. Une bonne façon de redécouvrir le prog avec ce disque qui en illustre tous les clichés tout en étant inattaquable musicalement sur ce que l'on peut reprocher (parfois à raison, souvent à tort) au genre.
Puisque nous sommes techniquement encore en janvier, nous avons encore le droit de nous souhaiter la bonne année, et je suis encore dans les temps pour vous livrer mon petit top album personnel, composé de la crème de la crème, des 33 albums qui ont marqué mon année 2019. Comme d'habitude, c'est subjectif, ça n'a pas pour but de classer objectivement les sorties de l'année passée selon leurs "qualités" -puisque selon moi c'est assez illusoire en art- mais c'est un instantané de quelques albums qui m'ont touché, de façon différente et pour diverses raisons. Je me suis restreint en nombre, pour que cet article soit digeste, il y a donc pas mal d'albums qui sont passés à la trappe mais qui auraient pu figurer en digne place dans ma liste, fût-elle plus longue. Je ne suis pas omniscient, et mon avis n'est pas définitif, j'ai donc pu rater quelques sorties ou en sous-estimer d'autres, n'hésitez donc pas en commentaire à critiquer mes choix et surtout lister les œuvres qui vous ont le plus touché pour les faire découvrir au plus grand nombre (et à moi, qui suis toujours curieux d'élargir mes horizons musicaux).
En espérant que vous puissiez y faire quelques découvertes, je vous souhaite une bonne lecture, et surtout une bonne écoute ! Pour vous rendre la navigation plus agréable, j'ai glissé un clip youtube sous chaque description pour que vous puissiez faire votre petit zapping, ainsi que les liens vers les plateformes de streaming et vers nos chroniques si le petit extrait vous a plu.
01
Kitty - Rose Gold
Pop, Electro-Pop, Electro-Rock, Psyché Lien vers la chronique Entre électronique façon club ou IDM, pop accrocheuse, rnb sensuel, pop-rock indé et psychédélisme aquatique, cet album est un fantastique condensé de bonheur pur. Ca sonne cliché, mais ce disque est un voyage. Installez-vous bien, écoutez-le sans rien faire d'autre, dans le noir, avec un bon son, et vous me remercierez. Cet album est riche, fourmille de détails, et se révèle au fur et à mesure des écoutes. Et à mon humble avis, c'est une des meilleures choses qui soient arrivées à la pop cette année, voire cette décennie. Ecouter sur Deezer, Spotify, ou Bandcamp
Kitty - Disconnect (Clip, 2019)
02
Homeshake - Helium
CANADA
Pop, Synth-Pop, Chill-Hop, Electronique, Rnb, Rock Indé, Psyché, Trap
Homeshake nous avait subjugués avec Fresh Air il y a deux ans (il avait même fini dans mon Top3 de l'année 2017), aussi j'attendais avec impatience et bienveillance ce nouvel album du projet de Peter Sagar, ancien guitariste de Mac Demarco. Et je n'ai pas été déçu. Les tempos et les mélodies de tous ces morceaux se fondent en un ensemble délicieusement cohérent et fluide, accompagnant parfaitement le côté nocturne et solitaire de la musique. La structure est particulièrement bien bossée et solide, les morceaux les plus pop étant souvent précédés et suivis d'une intro permettant de les mettre lentement en place et de les fondre dans le suivant. Et pourtant chaque morceau fourmille de détails singuliers dont la mélodie est souvent addictive et inoubliable. On a l'impression de passer une soirée dans la tête de Sagar, c'est le genre de disques très personnels réalisés avec trois bouts de ficelle et beaucoup de talent et de sensibilité qui me donnent envie de prendre un synthé ou de taper un petit papier pour ce blog. Un petit miracle impossible à reproduire par qui que ce soit, unique en son genre. Vous l'aurez compris je crois, je vous recommande absolument l'écoute de ce grand et discret album.
USA Synthpop, Indus, Coldwave, Electronique Lien vers la chronique A la fois planant, rythmé, brutal, aérien, ses variations autour d'une pop électronique à la fois référencée et aventureuse font mouche. Entre indus, techno-pop, colwave, synthpop et ambient, les 8 titres de cet album sont un voyage inoubliable. Je suis totalement sous le charme de ce disque concis et percutant, que je trouve incroyablement marquant. Mes morceaux préférés : Motion, Electric, Country Girl Ecouter sur Spotify ou Deezer ou Bandcamp ou Youtube
Boy Harsher - Country Girl (Clip, 2019)
04 Automatic - Signal USA Post-Punk, Garage/Psyché/Punk, Electro-rock Lien vers la chronique Entre les influences croisées des Seeds,Slits,Bowie période Eno, The Cure,Joy Division, B-52s, Suicide,Moroder... et pas si loin de LCD Soundsystem, Sneaks ou de l'esthétique Castle Face, les Automatic ont un petit quelque chose de tout ce que j'aime le plus dans la musique populaire des 60 dernières années, et ça donne un grand album, qui m'a réellement beaucoup impressionné et touché. C'est tout simplement un excellent disque, rempli de morceaux qui claquent tous plus les uns que les autres, avec un son impeccable et une interprétation mordante à chaque fois, le tout avec un impeccable sens de l'esthétisme rock. Spotify, Deezer, Bandcamp
Si vous aimez Depeche Mode et John Maus, vous avez bon goût -déjà-, et vous allez également apprécier la musique de Black Marble, parce que c'est tout aussi bon dans le même genre. Coté musique, c'est miracle sur miracle : on oscille entre synthpop sautillante, et post-punk mélancolique avec un esprit rock indé à la Drums. Côté chant et ambiance, on est bouleversés par la mélancolie douce-amère qui se dégage de certains titres, et réconfortés par la tendresse des autres. Ce disque est une vraie perle, dont je n'ai pas fini de faire le tour, mais je sais que je le ce disque avec quelques-unes des plus belles réussites du genre et que je le réécouterai longtemps.
Ca y est, deux ans après Flower Boy (2017), mon album de l'année, et sérieux prétendant au trône des meilleurs disques de la décennie, le génial Tyler, The Creator revient avec un nouveau disque, IGOR. Le sale gosse provocateur balançant des gros bangers de rap atonal aura bien changé, lui qui compose désormais des symphonies soul/pop délicates aux arrangements baroques et chante autant qu'il ne rappe.
Avec Flower Boy puis IGOR, il a su conquérir les amateurs de belles mélodies, d'arrangements soignés, d'inventivité sonore tout en gardant les puristes rap qui ont bien compris que sur ce terrain là aussi il est impeccable. C'est d'autant plus impressionnant que sur ce dernier disque, il produit et arrange tout. Etant lui même doué avec les machines et bon claviériste, il s'est pourtant entouré de pas mal de monde pour ajouter de la densité à ce disque impressionnant : une voix, un choeur par ci, une guitare par là, etc... En cela, il est à la fois le digne descendant de l'homme-studio capable de recréer un style musical entier avec trois bouts de sample façon Neptunes, et du rôle de chef-d'orchestre visionnaire d'un Kanye West depuis My Beautiful Dark Twisted Fantasy.
Ce disque à la croisée des influences (électro-pop des années 2000, hip-hop, pop post-Neptunes, soul psychédélique, rap saturé à la Yeezus...) est une réussite totale. Avec un nombre d'invités assez conséquent, à la voix comme à la prod, Tyler garde néanmoins la main sur un projet ultra-personnel et se montre en véritable chef-d'orchestre, capable d'utiliser les interventions de ces collaborateurs souvent proches et récurrents pour transcender les morceaux d'un disque qu'il a entièrement composé, arrangé et produit par ailleurs. La cohésion musicale est assortie d'une cohésion thématique totale, des textes à l'interprétation et au traitement des voix qui servent le propos narratif de cet album concept sur une relation amoureuse vouée à l'échec. C'est une oeuvre brillante, dense mais concise, qui ne perd pas une seconde mais laisse tout de même l'auditeur respirer à travers de magnifiques plages instrumentales souvent délicates, pour mieux le cueillir au banger suivant. Un très, très grand album.
Dure à définir, l'électro-pop qui forme la base musicale de ce disque, parfois appelée hyperpop (terme que je trouve sympa) est un mélange de gros synthés issus de la pop la plus commerciale qui existe, de beats énormes, de distorsions venus du dubstep et d'idées explorées par le hip-hop (cadences rap, autotune à gogo...). C'est un mélange entre distanciation ironique et hommage au premier degré à tout ce que la pop et l'électronique des années 1990 à maintenant ont pu produire de plus outrancièrement commercial.
Entre gros tubes pop futuristes, hymnes électro euphorisants, ballades mélancoliques, expérimentations à l'esprit punk, j'ai peu de réserve sur les immenses qualité de ce disque. C'est ça, la pop qu'on devrait entendre à la radio : immensément accrocheuse, exploratrice voire futuriste, fun, intelligente, émouvante et salace. Charli XCX clôt en beauté cette décennie qui l'aura vu prendre une envergure que personne n'aurait pu anticiper, et récompense ses paris artistiques osés par une consécration publique et critique amplement méritée.
Black Dresses est un duo composé de Devi McCallion et Ada Rook, au style musical assez difficile à ranger dans une case. Entre synthpop, rock indus, punk hardcore, noise, une seule chose est sûre : c'est une succession de bangers ayant chacun un son unique et une énergie folle, et dans l'ensemble c'est un disque très personnel, surprenant souvent son auditeur (ce qui nécessite un talent fou après les décennies de pop ingurgitées par la plupart d'entre nous), et qui réussit chacune des choses qu'il entreprend, dans l'accrocheur comme dans l'expérimental. Un grand disque de cette année, et de cette décennie.
Après un superbe retour orchestré par Josh Homme avec Post Pop Depression (2016), très marqué par Bowie musicalement, Iggy Pop écrit avec ce Free un très beau nouveau chapitre de sa discographie passionnante. Marqué musicalement par le free jazz et l'ambient électronique, recourant parfois à des passages parlés voire narrés, mais étant toujours fidèle au son tranchant venu du post-punk, ces morceaux sont transcendés par l'interprétation caverneuse et désespérée de l'Iguane. Le disque n'est cependant pas dénué d'humour et de fun, et vous y entendrez régulièrement une ligne de basse funky, un riff goulu, un chant exagéré, des trucs salaces. Et il est très vivant dans son interprétation, tant musicalement où la forme est très libre, dénuée de toute notion de genre musical, que dans l'interprétation vibrante d'Iggy. C'est un album intense, noir, souvent contemplatif, obsédé par la mort. Mais c'est aussi l'oeuvre d'un musicien qui a encore beaucoup à dire, à faire, qui a l'oreille acérée, la voix pleine de rage et l'esprit plein de malice. C'est un superbe disque.
Mes morceaux préférés :Love's Missing, Sonali, Glow In The Dark, The Dawn
Avec un peu de retard, et après une période tumultueuse, faite de déclarations fracassantes, contradictoires et loin d'être toujours défendables et matérialisée par 5 mini albums (dont deux, Kids See Ghosts et ye, parlaient de façon très personnelle de santé mentale et de la bipolarité de son auteur, alors dans une phase manifestement noire) ; voilà que Kanye West a semble-t-il trouvé une paix intérieure relative, grâce à la religion, et le fruit musical de cette rédemption est un album fortement influence par le gospel, nommé Jesus Is King. Ce disque aura eu une gestation tout aussi tumultueuse, devant au départ se nommer Yandhi, et être la face B et pacifiste de Yeezus, l'album sombre, abrasif, gonflé à l'ego de 2013. Yandhi a largement fuité sur internet a un stade assez avancé de sa composition, et possédait des influences assez psychédéliques dont Jesus Is King a en partie hérité (quelques morceaux en ont même été sauvés dans une version remaniée). Néanmoins, cet album a semble-t-il été jeté aux oubliettes, ne correspondant plus à l'orientation davantage gospel de la musique, dans la continuité du Sunday Service organisés par Kanye (sorte de série de messes musicales hebdomadaires), et à sa rigueur religieuse nouvelle (aucun juron n'a été proféré sur JIK). La production est magnifique, vivante, parfois lo-fi, toujours dans cet esprit de rencontre entre modernité et traditions musicales du passé, dans un creuset minimaliste, et les voix sont à l'honneur, entre choeurs gospel angéliques, raps acérés, chant rnb, habillées ou non de divers bidouillages sonores.
Que penser de ce disque ? Est-ce un des meilleurs albums de Kanye ? Peut-être pourrions nous plutôt nous demander si cette question, cette comparaison, immédiatement posée à chaque sortie de l'artiste par la presse musicale, sur lequel elle fait reposer des attentes inatteignables et déraisonnables à chaque fois, est intéressante. Si vous voulez la réponse, non, cet album n'est certainement même pas dans le top5 de l'artiste. C'est, en revanche et à mon humble avis, un bon album, un disque assez unique, et une évolution logique et bienvenue dans la discographie d'un artiste important et fascinant.
Hamza ayant lui-même produit par le passé, il a l'oreille pour choisir les meilleures prods. Sa sensibilité unique au chant, entre rnb et rap autotuné, d'une habileté rare dans les flows sans cesse changeants, le fait sortir du lot et sublimer ces prods incroyables. Le disque est par ailleurs séquencé avec une minutie d'horloger, et est par ailleurs très homogène et équilibré, ses prods aux influences variées (rnb, trap, dancehall, afrobeats, électro-pop...) partageant des marqueurs communs, et la balance entre bangers et morceaux plus posés étant admirablement gérée. Hamza a une oreille musicale hors du commun et a réussi sur ce projet à atteindre ses ambitions démesurées avec quelques unes des prods les plus impeccables que vous entendrez cette année (et quand je dis ça je pense à l'international), qu'il a su transcender par son chanté-rappé unique et virtuose.
Mes morceaux préférés :Henny Me Noie, Audemars Shit, Validé, HS, Paradise, Le Même Sort
Pour ce qui a été annoncé comme le dernier album (à prendre avec des pincettes) d'un des groupes chouchous de ce blog, lesFoxygen(Sam Franceau chant,Jonathan Radoà la prod) se sont inspirés de la période 80's, adulte et un peu paumée de leurs héros 60's (Stones, Dylan, Iggy Pop, Neil Young, etc...). C'est un album groovy mais mélancolique, étonnamment structuré (en tous cas plus linéaire que leurs albums précédents, malgré de nombreuses idées farfelues et surprises délicieuses), assez intemporel et immédiatement accrocheur. Un magnifique disque, parfait épilogue (potentiel) à la discographie d'un groupe unique. J'avais adoré chacun de leurs albums, et je pense que celui-ci a le potentiel de devenir mon préféré, c'est dire s'il est bon.
Mes morceaux favoris : Work, Mona, Face The Facts, News, Livin' A Lie
This Old Dog, dernier album de Mac Demarco en date, m'avait déjà surpris par son côté minimaliste, quasi folk, et ses détours synthpop, nocturnes et mélancoliques. Here Comes The Cowboy, c'est exactement ça, en plus poussé et moins ambitieux, c'est à dire une épure totale musicalement, un tout très apaisé, calme, laid-back, avec des guitares folk/blues/country et des synthés chill à la Homeshake. Aimer cet album, ça n'est pas très difficile, tant le songwriting délicat est beau et intemporel, et l'interprétation touchante. Quelques-unes des plus belles chansons de Mac s'y trouvent, et les autres morceaux, facétieux, charment également. Le côté crooner sous nicotine de certains de ces titres me parle bien, ça évoque Dylan ou Sinatra, ça remonte loin, c'est couillu d'aller sur ce terrain, pas vendeur d'un côté et pas facile de convaincre les puristes de l'autre, respect. De manière générale, la plupart de ces pop songs douces auraient pu sortir n'importe quand entre les années 50 et maintenant, et c'est ce songwriting sans âge , classe sans trop en faire, qui fait la beauté du truc. C'est donc une oeuvre d'une beauté classique assez indiscutable, et même si Demarco est souvent farceur, son talent de mélodiste et d'interprète transcendent ces facéties et rendent vital un album qui aurait pu être monotone.
Mes morceaux préférés : Nobody, Finally Alone, Heart To Heart, Preoccupied, K, All Of Our Yesterdays, Skyless Moon, On The Square
King's Mouthest un concept album narratif, narré parMick JonesdesClash. Sur cet album, le groupe a plutôt tendance à piocher dans la périodeSoft Bulletin/Yoshimi/At War With the Mysticsdu groupe, une électro-pop entre guitares acoustiques et bulles de synthé, même si quelques audaces proches des expérimentations d'albums plus récents pimentent le tout. Les meilleurs morceaux font ainsi le trait d'union entre nostalgie pop et incursions électroniques aventureuses, entre mélodies et textures, entre émotion et ambition musicale. Ce disque n'est pas le meilleur des Lips, mais c'est un putain de bon album, gavé de titres mémorables et d'idées géniales. Et même si la surprise n'est pas au rendez vous, la qualité habituelle des Lips est là. Les grandes chansons aussi. Et c'est tout ce qui compte.
Mes morceaux préférés : Giant Baby, How Many Times, The Sparrow, Mother Universe, Electric Fire, Feedaloodum Beetle Dot
J'avais repéré Sudan Archives sur ses premiers morceaux et EP très intéressants. J'étais intrigué par ce que sa musique pourrait donner sur un album entier. Premier bon signe, la signature Stones Throw, un des labels les plus intéressants en termes de musique populaire à la fois accessible et inventive. Et à l'écoute, les promesses sont exaucées. La voix et le violon de Brittney Parks sont à l'honneur, soutenus par une prod entre hip-hop, électro-pop indé et nu-soul, quelque part entre James Blake, Solange Knowles, Björk et Erykah Badu. Nu-Soul, Electro-Pop, Rnb, Hip-Hop, Funk, Psychédélisme, pop baroque, trip-hop, les influences sont larges, maîtrisées et distillées avec soin et goût, donnant vie à des arrangements beaux et riches. C'est un album absolument remarquable, une grosse claque : un chant assuré et délicat, des textes profonds, des arrangements divins, modernes et assez uniques avec une belle place donnée au violon, et des morceaux mémorables à la production impeccable. A écouter absolument.
Mes morceaux préférés :Did You Know, Confessions, Green Eyes, Down On Me, Pelicans In The Summer
Les Sorry Girls pratiquent une pop synthétique à la croisée de Cyndi Lauper et Bruce Springsteen à son plus radiophonique. Ça accouche de petits tubes radiophoniques rétromaniaques de la musique des US sous Reagan mais pas que, puisqu'on entend aussi de l'électro-pop ample post-Madonna, du funk princier, de la rétrowave, de la disco à combustion lente voire du kraut et de la dance. Le groupe montre ici toute sa maîtrise élégante d'une pop très codifiée et référencée mais qu'ils arrivent à détourner à leur façon pour lui faire prendre des chemins qui, s'ils ne sont pas nouveaux, sont très personnels et engageants. C'est une masterclass de synthpop émouvante, glamour, fun, bien écrite, composée, arrangée et produite avec soin, talent et amour. C'est donc fortement recommandé par ce blog.
Mes morceaux préférés : Waking Up, Under Cover, One That You Want
Shabaka Hutchings est un musicien passionnant. Saxophoniste british, il m'émerveille par son talent apparemment sans limite. Il multiplie les projets, et joue ici un croisement de jazz, de krautrock planant et psychédélique et d'électro-pop dansante (sous le nom The Comet is Coming). On a déjà nommé le morceau "Summon The Fire", morceau du mois en Mars, et autant le dire directement, tout l'album est au niveau, c'est à dire excellentissime. Entre psychédélisme noir, rock et jazz, façon Miles Davis époque Bitches Brew, il enchaîne des morceaux immédiatement mythique, puissants, profonds et accessibles à la fois. C'est difficile de résumer cet album, mais pour faire court : c'est brillant, éminemment accessible mais sans rien sacrifier à la qualité et à l'intégrité jazz de l'ensemble, c'est à la fois mystique, moderne, fun, parfois dansant, parfois planant. C'est un des grands disques de cette année, peut-être de cette décennie, et pas seulement en jazz, mais tout court. Alors foncez l'écouter !!!
Mes morceaux préférés : Summon The Fire, Timewave Zero, Birth Of Creation, Unity, Astral Flying
Highway Hypnosis arrive après deux albums (chroniqués ici et ici) qu'on a adorés ici, plutôt dans un genre post-punk qui tendait à s'ouvrir vers une électro-pop tout en gardant un côté minimaliste et une brutalité punk. Autant dire qu'une certaine attente s'est installée de mon côté, une certaine hâte de découvrir ce que Sneaks pouvait offrir d'encore plus pop, sur une durée plus longue que d'habitude. Et c'est cette fois-ci du côté du hip-hop, et notamment de la trap, ainsi que dans l'électro apatride de MIA (entre autres) qu'elle est allée chercher des inspirations supplémentaires. Et avec la somme de tous ces styles venant d'époques et de lieux différents, parfaitement rendus à travers un prisme mi-pop, mi-punk, avec une énergie hip-hop, la musique de Sneaks a encore pris en amplitude avec cette sortie tout en continuant à ne pas gâcher une seule seconde, et ça c'est précieux. Un grand disque que je vous recommande très chaudement.
Mes Morceaux Préférés : The Way It Goes, Ecstasy, Money Don't Grow On Trees, Cinnamon, Beliefs, And We're Off, A Lil Close
Après avoir fait ses débuts en tant que DJ, Kedr Livanskiy s'est penchée sur un versant house des débuts, plus énergique mais pas que (guetto, breakbeat, UK garage, dub...). A quatre mains avec le producteur Zhenya, ils ont composé ce Your Need aux sonorités plus dance. Et c'est une réussite. Ils ont créé un album passionnant en se basant sur l'esprit des productions électro old school, en y piochant ce qui les fait vibrer et en y ajoutant la touche personnelle de Livanskiy, son esprit new wave/gothique/kraut, et c'est très beau.
Mes morceaux préférés : Your Need, Sky Kisses, Kiska, Ivan Kupala (New Day)
Si vous vous intéressez aux sorties musicales récentes, ou si vous lisez régulièrement ce blog, vous êtes sûrement tombés sur le nom de Steve Lacy. Et pour cause : en solo, il a sorti un des meilleurs EPs de 2017, avec son groupe The Internet une flopée d'excellents albums, dont le dernier Hive Mind (2018) a squatté la première moitié de mon top de l'année. Toujours en 2018, il a co-composé l'intégralité d'un des meilleurs EPs de l'année avec Ravyn Lenae, et il a participé à quelques-uns de nos albums préférés de ces 3-4 dernières années, parmi lesquels ceux de Kali Uchis, Blood Orange, Vampire Weekend, Kendrick Lamar et quelques autres... Autant le dire tout de suite, ce très très jeune homme, multi-instrumentiste autodidacte, est un des musiciens/producteurs/artistes les plus demandés et les plus excitants du paysage pop (incluant pop, électronique, rock indé, soul, funk, rnb et hip-hop, sa musique étant un joyeux mélange de tout ça). Autant dire que j'attendais de pied ferme ce premier album solo, comme pas mal de monde d'ailleurs. Et c'est une réussite. Une vision artistique totale et unique, des tubes, des expérimentations réussies... Lacy a su développer un style personnel, et je me prends à classer ce disque avec les réussites pop uniques de Connan Mockasin, Blood Orange, ou Frank Ocean... Foncez écouter l'album de ce surdoué de la Pop.
Mes morceaux préférés :Only If, Like Me, N Side, Playground, Hate CD
Accompagné de Renaud Létang à la production (déjà présent sur Robots Après Tout), Katerine puise dans la pop électronique, le hip-hop et de nombreuses collaborations artistiquement fructueuses de quoi régénérer son son. Entre la reconnaissance de son talent d'acteur (le César du Grand Bain notamment) et sa récente stature de figure du rap français, suite à quelques collaborations aussi improbables que géniales, Katerine a gagné des publics nouveaux, et sa maison de disque a a priori lâché pas mal de sous, et ça s'entend. Les morceaux sont costauds, produits avec soin, les sonorités léchées et le mix dense et subtil. Côté textes, politique, sexualité, mort, enfance, tout y passe avec tendresse, humour et profondeur, du premier au millième degré.
Ce disque est une totale réussite, et malgré les digressions et le nombre de morceaux et de collaborations, il serait difficile de couper dedans tant la qualité est homogène. C'est en tous cas un disque qui se découvre et s'apprécie au fil des réécoutes, et montre un Katerine en grande forme, qui arrive désormais à associer un niveau de notoriété certain, une forme de pop assez accrocheuse et accessible, avec sa folie douce naturelle et ses obsessions personnelles, donnant à écouter une version de lui plus assurée, renouvelée voire rajeunie par sa période rap, sans pour autant s'être trahie au passage. Une belle réussite.
Mes morceaux préférés :Stone Avec Toi, Blond, La Converse avec Vous, Bonhommes, Aimez-Moi, La clef, Duo
Membre du groupe NUXSENSE, Luthorist est un rappeur irlandais basé à Dublin. Comme son compatriote Rejjie Snow, il n'hésite pas à fouiller du côté de l'électronique pour ses prods, utilisant régulièrement des nappes de claviers planantes, des basses profondes, des leads entêtants et cotonneux et une rythmique trap agile. Vocalement, le MC défonce tout en mêlant avec virtuosité le chanté-rappé, flows trap et old school. L'assemblage du meilleur des deux mondes, rigueur et modernité, des merveilles. Ses vocaux et les prods magnifiques de Sivv, accouchent d'un album gavé de classiques instantanés qui vous retournent la tête et vous collent au cerveau pendant des semaines.Luthoristn'a pas besoin d'en faire des caisses pour nous convaincre que son disque est essentiel, et sans effort apparent, nous sort un des trucs les plus sensationnels qu'on entendra cette année voire cette décennie. Essentiel.
Mes morceaux préférés :Astral, Saucer, Tokio, Nice, Wafer, Prism
Des textes et flows plus acérés, des prods toutes plus incroyables et variées les unes que les autres, à l'américaine : ce nouvel album c'est du lourd. Le disque est certes un peu long, et aurait sans doute bénéficié de quelques coupes, mais il est tout à fait écoutable tel quel. La majorité de ces titres oscillent entre le très bien foutu et l'excellent dans leur genre, et certains, en sortant de la zone de confort du groupe, s'imposent comme de petits classiques instantanés. Et ça fait plutôt plaisir de voir éclore, cartonner puis se raffiner un style musical aussi unique, ici en France. Que vous aimiez ou pas, ça va être aussi difficile de passer à côté d'eux que de Mylène Farmer dans les 80's ou Daft Punk en 2001, alors autant y jeter une oreille non biaisée non ?
Mes morceaux préférés : Au DD, Déconnecté, Menace, Celsius, Deux Frères
100 gecs est un mystérieux duo américain composé de Laura Les et Dylan Bradi. Et leur musique est un mélange assez difficile à décrire d'électronique ultra-expérimentale, de trap accrocheuse et de pop-rock, ils sont quelque part dans la lignée de Charli XCX lorsqu'elle bossait avec PC Music ou Sophie, mais en beaucoup, beaucoup, beaucoup plus extrême. Voix ultra-autotunées et modifiées, pitchées à l'outrance, beats trap ou gabber sans cesse changeants, riffs de guitare, ska, drops EDM, rock emo ou dubstep, flows venus du rap, synthpop, métal... On croise tous ces éléments au long de ce disque, souvent tous dans la même chanson. Les deux seules façons d'apprécier le disque sont soit de poser son cerveau et de l'apprécier tel quel pour ce qu'il est : une décharge ininterrompue de plaisirs musicaux immédiats plus ou moins coupables, ou alors au contraire en l'écoutant attentivement pour déceler la façon avec laquelle le duo a su entremêler des styles musicaux aussi variés et les faire rentrer dans leur esthétique unique. J'aurais tendance à croire que c'est quand même de la musique pour nerds obsessionnels ayant comme moi bouffé des heures de musique de toutes les époques, du plus confidentiel au plus mainstream, dans tous les styles... Pas sûr que ça plaise à tout le monde à la première écoute. Cependant, le concept sans limites du "toujours plus" qui guide ce disque est un coup de pied bienvenue dans la fourmilière pop, et sa réception plutôt positive et plutôt large pour un disque aussi expérimental et tranché est un bon indicateur de la curiosité et de la culture d'un nombre pas si faible que ça de gens, et ça fait plutôt plaisir. Personnellement, lorsque je me pose la question du "génie ou escroc", ça finit souvent dans la première catégorie, et c'est le cas avec1000 gecs.
Les Chemical Brothers ont une petite place à part dans mon coeur, m'ayant aidé à faire le lien entre le rock d'où je viens musicalement et les musiques électroniques, et ayant accouché de quelques-uns des disques les plus fun et réussis à la frontière entre ces deux genres. Et cet album,No Geography, est d'une vitalité et d'une homogénéité de qualité qui n'a rien à envier à leurs meilleures sorties, ce qui est une très, très belle surprise. Déjà, l'album commence par un des morceaux les plus incroyables et ambitieux de leur discographie, "Eve Of Destruction", sorte de panorama des genres maîtrisés et détournés par le duo depuis leurs débuts, un DJ Set mené de main de maître à lui tout seul. D'ailleurs, la façon dont cet album est séquencé est divine. On entend en effet toute la maturité artistique du duo dans cette construction savante entre gros bangers et morceaux plus aériens. Même si la première moitié de l'album m'enthousiasme carrément plus que la seconde, force est de constater que dans l'ensemble, il se tient plus que bien, et c'est presque un miracle d'arriver à un tel niveau d'urgence et de qualité pour un duo vétéran des musiques électroniques comme les Chemical Brothers.
Mes morceaux préférés :Eve Of Destruction, Bango, No Geography, Got To Keep On, Gravity Drops
Entre synthpop percutante, ambient cinématographique, new wave dark et sexuelle, Careful est un excellent disque remplis d'excellents morceaux et distillant une ambiance unique et prenante.
Mes morceaux préférés :Kick Driving, Fate, LA, Tears, Lost
BUOYS, nouvel album de Panda Bear, ne surprendra pas totalement les amateurs de sa musique, mais réussit néanmoins le toujours délicat équilibre entre perfectionnement et réinvention. On retrouve le son aquatique et les guitares folk assez rythmiques d'Animal Collective, l'influence de la dub et du hip-hop et les mélodies vocales post-Beach Boys. En revanche, il y a quand même pas mal de changements, notamment la place des guitares, sur tous les titres (Lennox a renregistré ce disque en répétant la tournée autour de l'album Sung Tongs d'AnCo, sorti en 2004 dans leur "époque guitare"). La plupart des morceaux de BUOYS viennent d'ailleurs d'ébauches conçues pendant cette période de ré-appropriation de l'instrument. La double influence de sa fascination pour la scène trap d'Atlanta et de la forte implication de son collaborateur Rusty Santos, l'a amené vers l'utilisation de rythmiques et de basses trap et latines sur des instrumentaux épurés, et même vers l'utilisation de l'autotune sur sa voix, utilisée de façon plus directe que sur ses précédentes oeuvres. Cette démarche de réinvention a payé et il arrive à se renouveler sans aucun accroc et en produisant au passage un de ses plus beaux disques, rempli de chansons sublimes, sans aucune baisse de qualité tout au long de l'écoute. A écouter absolument !
Gavé de pop songs parfaites, interprétées avec classe et produites avec maestria, ce disque est une pépite inattendue, élégante, mystérieuse et absolument indispensable.
Mes morceaux préférés : You're No Good, Closer To Grey, Twist the Knife, Touch Red
Cet EP est ultra concis (7 titres dont 4 sous la barre des 3min), il renoue avec l'expérimentation, et il est plutôt très, très sombre et sonne presque comme un appel à l'aide désespéré. Mais que Future rappe ou chante sur de la trap classique, des prods entre rnb ou l'emo-trap à guitares de ses suiveurs, force est de constater que le bluesman des années 2010 n'a rien perdu de sa rage et continue à inventer de nouvelles formes musicales en se réinventant à chaque son. Vous l'aurez compris, cet EP est une tuerie absolue, et fait déjà partie de mes sorties solo préférées du rappeur.
Le rockeur le plus cool de France revient avec un nouvel album, après le délicieux The Hood de l'an dernier, avec un mélange de néo-60's plus assumé (surf, psychédélisme), de pop à guitare 80's, et de garage brutal qui doit un peu au grunge, façon Ty Segall. Tout au long du disque, il y a en tous cas toujours un truc qui accroche l'oreille, sans passer par la facilité : des mélodies et riffs imparables, qui vont rester collés au fond de votre cerveau pendant un moment. Ces chansons mémorables, interprétées avec une coolitude sans limite, font de ce disque un incontournable de l'année.
Pas tout à fait conquis par les premiers singles de l'album, je m'attendais à être déçu par ce disque, alors que je considère leur précédent, Modern Vampires of The City (2013) comme un classique, et que leurs deux premiers ne sont pas loin derrière. Et puis, petit à petit, au fil des réécoutes, ces singles ont fini par me convaincre, et j'ai fini par apprécier la direction prog-folk que prenait l'album. Et je ne suis pas déçu. Des gros tubes finalement très accrocheurs, des styles musicaux mélangés, modernisés, des expérimentations savantes, des grosses mélodies, une production fine et inventive, j'ai tout ce qu'il me faut sur ce disque. Bref, c'est une bonne surprise pour moi, vous l'aurez compris. Je vous encourage à y jeter une oreille et à prendre le temps de vous approprier cet album assez dense, assez expérimental, à la démarche pop très joueuse.
Mes morceaux préférés : Unbearably White, Spring Now, My Mistake, Flower Moon, Sympathy
Largement composé à partir de jams improvisées, entrecoupé d'interludes, minimaliste dans son son et souple dans ses structures, c'est un album de croquis, d'ébauches, au trait précis mais sans fioriture - choix artistique spartiate et courageux assumé et maîtrisé, la perfectionniste ayant passé des heures à éditer ces jams, retoucher les sons, prenant son rôle de productrice très à cœur, et ça s'entend : le disque est poli, impeccable, immaculé, tout en laissant échapper un peu de naturel de temps en temps : un rire, une respiration, une irrégularité de voix... Musicalement, on oscille entre jazz, nu-soul, et hip-hop, avec une présence notable de claviers funky et de boîtes à rythme sèches, presque trap, et un côté psychédélique. C'est un album ouvert aux contributions, mais laliste impressionnante de collaborateurs accouche pourtant d'un disque ultra personnel, d'une homogénéité remarquable. Un excellent album, pas forcément évident à aborder pour un non-initié, mais un régal pour les amateurs de musique moderne qui en attendent créativité, diversité, audace, naturel et perfectionnisme. Un petit bijou.
Mes morceaux préférés : Things I Imagined, Binz, Down With the Clique, My Skin My Logo, Way to the Show, Sound Of Rain, Almeda
J'ai été immédiatement charmé par "Worm's Playground", magnifique premier titre de ce nouvel album, ballade jazz-pop entre jazz vocal, smooth funk à la Sade ou Marvin Gaye, rnb alternatif et nu-soul apaisée mais expérimentale voire psychédélique. Cette chanson est d'une perfection totale. Et le reste de l'album également, entre soul, pop, rnb, hip-hop, folk, funk, et électronique. Vous l'aurez compris j'ai été tout à fait séduit par ce disque et je vous encourage vivement à l'écouter pour vous faire un avis, et à retourner sur les précédentes oeuvres d'Anna Wise si vous avez été conquis.
Mes morceaux préférés : Worm's Playground, Blue Rose, Count My Blessings
Lee Fields - It Rains Love Altin Gün - Gece Flying Lotus - Flamagra Beast Coast - Escape From New York
Kobo - Période d'essai
Jok'Air - Jok'Travolta Kim Petras - Clarity
Asbestos Lead Asbestos - Nature Of The Feline
People Under The Stairs - Sincerely, the P
Thom Yorke - ANIMA
Thee Oh Sees - Face Stabber
JPEGMAFIA - All My Heroes Are Cornballs
Le SuperHomard - Meadow Lane Park
Purple Mountains - Purple Mountains
Espen T. Hangard - Elementaer
Young Thug - So Much Fun
Bibio - Ribbons
Drugdealer - Raw Honey
The Drums - Brutalism
Cate Le Bon - Reward
Hether - Hether Who ?
Antoine Berjeaut, Makaya McCraven - Moving Cities
Orville Peck - Pony James Blake - Assume Form Deerhunter - Why Hasn't Everything Already Disappeared ... Retrouvez-les (et quelques autres) dans nos Bilans du Mois :